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kilomètres inutiles ; au point de vue de l’exploitation, elle n’a point, comme on l’espérait, amené le bas prix des transports. Ces deux faits ont été mis en lumière par les enquêtes anglaises et constatés de la façon la plus certaine par les ingénieurs et publicistes français qui ont étudié le régime des chemins de fer à l’étranger. « En Angleterre, dit M. Malezieux, le premier effet de la concurrence a été de créer des lignes surabondantes et de provoquer des dépenses inutiles, qui se perpétuent dans l’exploitation ; l’élévation des tarifs en est la conséquence naturelle. » Aux États-Unis, d’après le même ingénieur, « la concurrence à outrance, créée par la multiplicité indéfinie des lignes, aboutit le plus souvent à des arrangemens conclus aux dépens du public, » c’est-à-dire à la hausse des tarifs du transport. M. Ch. de Franqueville n’est pas moins affirmatif en ce qui concerne l’Angleterre, où il a étudié dans tous les détails le système de construction et d’exploitation. Il montre que la concurrence appliquée aux chemins de fer n’est qu’un vain mot. « Aujourd’hui, dit-il, l’industrie des chemins de fer en Angleterre constitue un vaste et puissant monopole ;… là où des lignes possédées par des compagnies différentes desservent les mêmes points, les tarifs de marchandises aussi bien que de voyageurs sont fixés d’un commun accord, et leur taux est absolument semblable. » Et il remarque avec raison comment, après être parti en France et en Angleterre de principes diamétralement opposés et après avoir adopté des systèmes tout à fait contraires, on est arrivé dans les deux pays à des résultats presque identiques, à la suppression effective de la concurrence et à la constitution du monopole. Cette conséquence est forcée. Une fois créées, les lignes parallèles se font d’abord concurrence par la baisse ides tarifs, cette lutte peut durer plus ou moins longtemps et ruiner successivement plusieurs (entreprises ; mais les rails restent, et il vient un moment où les compagnies rivales se rapprochent, se concertent et font payer au public les frais de la guerre. On organise le service selon l’intérêt commun des compagnies, qui, sans avoir besoin de se fusionner, s’entendent pour le nombre des trains et pour la fixation des tarifs, et l’on arrive simplement à opérer avec deux ou trois lignes distinctes les transports auxquels pourrait suffire une seule ligne. Dans ces conditions, le tarif est nécessairement plus élevé, car on doit rémunérer deux ou trois capitaux d’établissement, faire face à une dépense double ou triple de frais généraux, d’entretien et de personnel ; d’où il faut conclure avec M. Krantz « que la concurrence entre chemins de fer dans un même champ d’exploitation est une pure illusion, et ne peut entraîner que des déceptions pour le public, toutes les fois, bien entendu, qu’un seul chemin de fer peut suffire