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à faire convenablement le service. Or c’est aujourd’hui et ce sera encore pendant longtemps le cas le plus ordinaire en France. »

C’est donc une vérité démontrée. La concurrence ne produit point, pour les chemins de fer, les mêmes effets que dans la plupart des autres industries ; elle ne procure pas nécessairement le bon marché. L’expérience faite en Angleterre et aux États-Unis permet d’écarter définitivement l’objection que l’on oppose sur ce point à la constitution des chemins de fer français. Il y a plus : le régime que nous avons adopté comporte un ensemble de tarifs plus modérés que dans les pays où le principe de la concurrence est maintenu légalement, et il se prête davantage aux réductions de prix qui augmentent la somme des transports. Le prix des places pour les différentes catégories de voyageurs est moins élevé en France qu’en Angleterre ; il en est de même pour les tarifs de marchandises. Il est vrai qu’en Angleterre le service est généralement plus complet et plus accéléré ; mais ces conditions favorables sont tout à fait indépendantes de la question de concurrence, et l’on verra que nous devons nous les approprier sans qu’il soit nécessaire de modifier notre régime légal. Enfin il est notoire que la moyenne du prix de transport pour les marchandises a toujours été en s’abaissant, que les compagnies ont pris l’initiative de tarifs spéciaux, différentiels, communs, d’exportation, de transit, en vue de multiplier ou d’attirer la matière transportable, et que ces tarifs, une fois accordés au commerce, n’ont que très rarement été relevés. Qu’il ne soit donc plus question de l’arbitraire des compagnies en ce qui concerne la hausse ou la baisse des tarifs ; cet arbitraire ne s’exerce que dans le sens de la baisse. Il n’y a pas lieu d’en remercier les compagnies, qui agissent en cela sous l’inspiration de leur propre intérêt, et qui profitent les premières des concessions qu’elles accordent ; mais il ne faudrait pas non plus en tirer l’occasion d’un reproche contre le système, qui tend invariablement, et par une pente naturelle, vers la baisse des prix.

On prétend d’un autre côté que le monopole des chemins de fer français détruit le trafic des voies navigables et prive l’industrie de l’un de ses plus économiques moyens de transport. Cette critique se contredit elle-même, car, si les marchandises sur certains parcours sont détournées des voies navigables pour se porter vers les voies ferrées, c’est qu’elles obtiennent de ces dernières, avec l’avantage de la rapidité, une baisse de prix ; la concurrence est donc ici toute au profit de l’industrie et du commerce. Elle ne serait regrettable que si, après avoir ruiné le trafic d’un canal, le chemin de fer relevait ses tarifs ; or il ne paraît pas que jusqu’ici ce cas se soit produit. S’il y avait à se plaindre des conditions de la concurrence, les