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courans nouveaux qui peuvent naître ou se développer dans des conditions imprévues, l’on connaît assez exactement pour chaque circonscription le régime et les besoins de la circulation régionale. La procédure, quant à la déclaration d’utilité publique, se trouverait fort simplifiée, et le gouvernement n’aurait plus à lutter, comme il le fait depuis cinq ans, pour défendre le réseau national contre la concurrence du réseau local : lutte ingrate et pénible, à laquelle ont été condamnés, avant et depuis 1870, tous les ministres des travaux publics, soupçonnés constamment de vouloir favoriser les grandes compagnies au détriment de celles qui s’intitulent trop modestement, pour les besoins de leur cause, les petites compagnies.

Il y a en effet de ces petites compagnies qui ont obtenu la concession de plusieurs centaines de kilomètres. Elles ne comptent pas s’en tenir là. Grâce au procédé connu des fusions, elles pourraient former d’importans réseaux, et personne n’ignore que dans ces derniers temps l’entreprise a été tentée. Il ne s’agit de rien moins que de constituer, sous le couvert de la loi de 1865, un vaste réseau rival de celui des grandes compagnies. Rien ne s’oppose à ce que ce projet réussisse au moins en partie, car il est dans la nature des compagnies de chemins de fer, en France comme ailleurs, de se fortifier et de s’étendre au moyen des fusions. Toutefois l’incident qui a ému pendant quelques jours les bourses de Paris et de. Bruxelles a jeté un trait de vive lumière sur la condition de nos chemins de fer d’intérêt local. On a évidemment cherché à transformer quelques-unes de ces entreprises en instrumens de spéculation, on a voulu les liguer pour une campagne de concurrence. Or la spéculation et la concurrence sont tout à fait contraires à la pensée qui a inspiré la loi, elles enlèveraient à ces chemins leur véritable caractère, elles créeraient à coup sûr le désordre et même la ruine dans l’exploitation du réseau. L’opinion publique doit être éclairée par ce premier avertissement.

Si l’on consultait le texte et l’esprit de la loi, les chemins de fer locaux devraient n’avoir qu’un parcours assez restreint, être construits avec un modeste capital recueilli dans la région intéressée, ajouter à ce capital les subventions des départemens et des communes ainsi que les encouragemens de l’état, enfin être exploités en quelque sorte sur place, par une administration familière et économique, recherchant le profit plutôt dans les services rendus à la propriété et à l’industrie que dans la rémunération élevée du capital sous forme de dividende. C’est ainsi qu’ont été conçus les petits chemins de fer d’Ecosse et nos premières voies ferrées de l’Alsace. Voici par exemple un réseau de 30 kilomètres qui, à raison de 100,000 francs par kilomètre, aura coûté 3 millions. Les riverains, propriétaires, agriculteurs, usiniers, consentiraient