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Lord Wellington généralement ne ménage pas le roi, dont il a une assez pauvre opinion. A son tour, Greville juge le noble duc sous différens aspects, et, malgré quelques contradictions, il nous laisse de lui une impression qui doit être vraie, bien qu’elle contrarie à un certain degré l’idée que notre patriotisme en souffrance a conservée du vainqueur de Waterloo. A l’égard du général d’armées, Greville est d’accord avec toute l’Angleterre ; mais l’homme d’état essuie en mainte rencontre les traits de sa critique. Il ne peut lui pardonner son torysme exclusif, si peu en rapport avec les besoins de la société moderne, et traite sévèrement la plupart de ses actes politiques ; en ce qui touche les relations sociales, le duc se montre si bienveillant, s’ouvre à lui avec tant de confiance, témoigne à toute sa famille, en particulier à son frère Algeronn, devenu son secrétaire intime, une affection si constante, que Greville reste habituellement sous le charme quand il sort d’un de ces entretiens qu’il a souvent avec le grand homme. C’est aussi le témoignage que lui rendent ses collègues. « Si le duc de Wellington se montre, disent-ils, jaloux de son autorité et ne permet à personne de s’y soustraire, il n’a d’ailleurs dans ses manières avec tous que franchise, politesse et bonne humeur. »

Pour bien comprendre l’esprit des mémoires de Greville, il faut se placer au point de vue d’un homme tout à la fois occupé, amusé et désabusé du spectacle des choses humaines, plus sceptique en apparence qu’en réalité, et plus passionné au fond qu’il ne lui convient de le paraître. Sensible à certaines impressions, son jugement peut se trouver modifié par des circonstances extérieures, mais on s’aperçoit qu’il a le goût du bien et l’amour de la justice. Dans cette grande question de l’émancipation catholique, il s’est dès le début rangé du parti des opprimés. Sans avoir nulle sympathie pour O’Connell, il voudrait voir triompher sa cause. A dater de 1829, le grand agitateur de l’Irlande reparaît fréquemment dans ces pages, où sont dépeintes les agitations de ce malheureux pays. Greville blâme le ministère de persécuter l’homme qui exerce une si grande action sur ses compatriotes par son caractère personnel et par l’ardeur qu’il apporte à soutenir leurs droits.


« On le traite ici, écrit Greville, avec indignité ; puis ce sont des plaintes de sa violence. Après tout, ne doit-il pas s’adresser aux Irlandais dans le langage qui leur convient le mieux ? S’il n’avait pas été violent, il ne serait pas ce qu’il est, et jamais l’Irlande n’eût été émancipée. »


Après bien des vicissitudes qui le tinrent longtemps en dehors de la chambre des communes, dont l’esprit de routine et d’intolérance persistait à l’exclure, O’Connell vint enfin s’y asseoir, non loin de