Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 10.djvu/534

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’entendre au sujet de la réforme en se faisant des concessions réciproques. C’était l’avis de Greville. « Le parti conservateur aurait dû, écrit-il à cette époque, s’unir contre les rebelles, les républicains, les fauteurs d’association, » et nous le voyons en effet, conformant sa conduite à son opinion, jouer un rôle actif entre les chefs des diverses fractions de la chambre des lords, qui l’acceptent volontiers comme intermédiaire en raison de l’indépendance avérée de sa situation et de son caractère. Il y a là toute une partie des mémoires de Greville bonne à consulter pour ceux qui voudront retracer l’histoire de ces transactions parlementaires auxquelles il ne fut donné cette fois d’amener aucun résultat sérieux. Avant de revenir au mouvement de la vie politique, Greville nous introduit dans l’intimité d’un salon anglais marqué d’un cachet tout particulier, celui de Holland-House, on se trouvaient conservées les traditions d’une autre époque. Une brouillerie sans gravité, qui l’en avait éloigné sept ans, ayant pris fin, Greville était redevenu l’hôte assidu de lord et de lady Holland, ces grands seigneurs qui ont laissé le souvenir de leur esprit, de leur hauteur aristocratique et de leurs excentricités scrupuleusement respectés de tout leur entourage. « C’est la maison de l’Europe par excellence, dit Greville. Le monde entier souffrira de sa disparition, et c’est alors qu’on pourra dire avec vérité et à-propos : « La gaîté des nations s’est éclipsée ! » Tous ceux qui l’ont visitée savent combien la splendide habitation des Fox se prêtait admirablement aux habitudes fastueuses de ses propriétaires. Les célébrités du temps s’y donnaient rendez-vous ; pour l’auteur du journal, c’était une mine inépuisable d’informations. Il allait donc y dîner fréquemment, et nous aurions tort de ne pas lui savoir gré de nous avoir reproduit une partie des conversations qui se tenaient pendant ces repas où lord Holland, malade et goutteux, assistait sans y prendre part autrement qu’en écoutant la spirituelle causerie des convives. Greville nous montre lady Holland bonne à la fois et impérieuse, se querellant avec les habitués de la maison, et ne se déconcertant pas des boutades de l’esprit fort Allen, si aigre et si ergoteur. Semblables tableaux se représentent souvent sous la plume de Greville, et formeraient à eux seuls une histoire curieuse de l’esprit de cette société disparue. Nous n’y jetterons qu’un coup d’œil rapide, et, parmi tant de scènes, nous choisirons celle qui a le plus frappé Greville :


« J’ai dîné hier, dit-il, chez lord Holland ; mais, arrivé tard, je n’ai pu trouver à me placer qu’entre sir George Robenson et un homme vêtu de noir, d’apparence fort ordinaire… Pendant un certain temps, il n’ouvrit la bouche que pour manger, et j’imaginai que ce devait être