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montrer aussi absolus, sans attacher un moindre prix à la notion parfaite de toutes les phases du développement des êtres. Avec sa méthode habituelle et une remarquable justesse d’appréciation, le professeur de Cambridge résume les connaissances acquises par les recherches d’embryologie qui ont éclairé sur la véritable nature de différens groupes du règne animal ; indiquant les sources, signalant les points obscurs, soulevant des questions, illuminant les détails par des vues générales, il s’anime du désir de donner à de nouveaux investigateurs la tentation de s’engager dans une voie d’études qui bien longtemps encore sera féconde.

Qui donc a mesuré à chacun des êtres sa part de vie ? demande Agassiz. Sans se préoccuper de la réponse, il compare la durée de la vie chez les animaux : mammifères, oiseaux, reptiles ou insectes ; — on sait par des exemples vulgaires combien le partage est inégal. Retraçant l’histoire des animaux qui se propagent par deux modes de génération, le naturaliste philosophe s’enthousiasme devant ce phénomène de la génération alternante, dont la découverte est un des triomphes de la science moderne. Aujourd’hui l’exemple le plus frappant de la génération alternante est connu de tout le monde : la méduse répand des œufs, de chaque œuf naît une sorte de polype ; par divisions, le polype se multiplie, et les individus détachés après une série de transformations deviennent semblables au premier parent. Traitant du sujet qui l’avait captivé autrefois, — la succession des êtres pendant les périodes géologiques, — l’auteur des recherches sur les poissons fossiles admet encore qu’à chaque grande époque il a existé un ensemble particulier de plantes et d’animaux, remplacé à une autre époque par un ensemble nouveau. A cet égard, la confiance sera bientôt ébranlée. On a signalé des rapports entre les jeunes de certains animaux du monde actuel avec les formes permanentes de diverses espèces éteintes ; pour Agassiz, c’est le sujet d’une savante dissertation où l’on peut suivre la trace des efforts des paléontologistes en quête de la vérité sur l’ancien état du globe et apprendre à connaître les vues qui ont dominé dans la science jusqu’au moment où des découvertes inattendues ont fourni mille preuves de la persistance d’une infinité de formes animales à travers les âges du monde. Après des considérations sur les rapports entre le degré de perfection organique et la répartition géographique des êtres, Agassiz se livre à l’examen du caractère des divisions qu’admettent les zoologistes, et, par des remarques sur les classifications qui ont été proposées, de telles matières suggèrent encore à cet esprit clairvoyant des aperçus ingénieux et des réflexions d’une haute portée. Le philosophe s’est complètement révélé, mais l’investigateur n’est pas au bout de la carrière ; il ne s’arrêtera qu’à sa dernière heure.