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En Amérique, les tortues abondent, et grande est la diversité des espèces et des genres. Agassiz a profité de cette richesse pour exécuter un travail approfondi sur l’un des types les plus extraordinaires de l’embranchement des vertébrés. Ainsi ont été acquis à la science des faits précis sur les caractères extérieurs, les variations, les particularités organiques, la répartition géographique de nombreuses espèces, comme sur les phases du développement d’animaux singuliers dont l’image est présente à tous les yeux. Un très habile zoologiste, le professeur Rathke de Könisberg, avait produit des observations d’une haute valeur sur les phases embryonnaires des tortues ; par de nouvelles recherches, surtout par des comparaisons entre différentes espèces, le professeur du collège Harvard a notablement élargi le champ de nos connaissances sur le sujet qui offre un intérêt exceptionnel à raison de l’étrangeté du type. Dans toutes les mers flottent ces élégans zoophytes, d’apparence gélatineuse, qu’on nomme les acalèphes : béroës, méduses, physales, velelles, diphyes. Presque seules, les espèces qui fréquentent les rivages de l’Europe avaient été bien étudiées. Agassiz a recueilli les acalèphes des côtes américaines, et sur ces curieux animaux, en général très distincts de ceux qui vivent de notre côté de l’Atlantique, il a consigné une multitude d’observations importantes relatives à la structure et aux transformations. C’est un chapitre ajouté à l’histoire des populations de la mer. Un chapitre non moins vaste et non moins intéressant concerne les polypes qu’on appelle les hydroïdes. Maintenant l’identité de structure déjà reconnue entre les types les plus parfaits de l’embranchement des animaux rayonnés au début de la vie et les formes inférieures du même groupe est absolument démontrée. C’est le bonheur d’Agassiz d’avoir atteint ce résultat, qui affermit les fondemens de la science.

La monographie des acalèphes et des hydroïdes achevée en 1862 compose les troisième et quatrième volumes du grand ouvrage sur l’Histoire naturelle des États-Unis[1]. L’auteur se flattait d’en publier dix volumes ; il put à peine commencer le cinquième, l’âpreté au travail ne parvient pas à défier le temps.

En vue de l’accroissement du musée zoologique de Cambridge, de bons citoyens avaient offert des sommes assez considérables, et l’état une large subvention ; Agassiz s’enflamme à l’idée de fonder un des plus beaux établissemens scientifiques du monde. Pour accomplir une œuvre gigantesque, selon son habitude, il ne pense nullement à la peine. Il veut disposer ce musée d’après les vues qu’il a formulées ; le visiteur y trouvera les animaux vivans dans leurs

  1. Dans l’exécution de ses recherches sur les tortues et sur les acalèphes de l’Amérique, Agassiz fut aidé pour les préparations par le professeur Clark et M. Sonrel, les auteurs de l’atlas.