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personnel, on quitte le bercail : aussi les shakers élèvent-ils désormais beaucoup moins d’enfans ; le meilleur âge pour les conversions est de vingt à vingt-deux ans quand le mépris du monde, que l’on connaît déjà, se joint à l’énergie de la jeunesse. Jamais les shakers ne sacrifient leurs principes à cette fureur de prosélytisme trop commune dans toutes les sectes ; ils comptent sur les revivals pour leur susciter des adhérens. « L’esprit et les dons de Dieu travaillent pour eux au dehors ; » aussi sont-ils en bons termes avec tous les gens religieux, à quelque communion que ceux-ci appartiennent.

Une règle inflexible favorise l’expulsion rapide de quiconque se joindrait à eux pour des motifs indignes. La confession des péchés et le célibat forment le fond de leur doctrine. Quant à la chasteté absolue, ils sont persuadés que c’est un principe d’hygiène et un brevet de longévité ; vraiment ils ont lieu de le croire d’après leurs statistiques. « Tout homme qui vit comme nous vivons, me dit l’ancien Frédéric, a le droit de n’être pas malade avant soixante ans ; s’il souffre plus tôt, c’est sa propre faute. J’ai consacré ma vie à faire connaître aux nôtres les véritables lois physiologiques ; nous ne sommes pas encore parfaits sous ce rapport, mais nous faisons des progrès. Autrefois les cas de fièvre étaient fréquens, ils ont presque disparu aujourd’hui, et le choléra n’est jamais entré dans un village de trembleurs. » L’une des « familles » de Mount-Le-banon a construit cependant un hôpital, mais jusqu’à présent cet hôpital est vide.

Parmi les membres de la société, il y a des gens de toute profession : des prêtres, des hommes de loi, des marchands, des médecins, des étudians, des fermiers, des marins, des artisans, des militaires, mais surtout des prédicateurs. Il y en a de toutes les religions, sauf des catholiques romains, on y trouve même des Juifs ; mais ce sont les baptistes, les méthodistes et les presbytériens qui fournissent les plus nombreuses recrues. Les shakers n’ont jamais repoussé les gens de couleur, s’étant dès le début prononcés avec énergie contre l’esclavage. Longtemps avant l’émancipation, des propriétaires d’esclaves, pour entrer dans la société, durent affranchir leurs nègres, qui devinrent shakers en grand nombre. De l’avis unanime, toute commune, pour prospérer, doit être fondée sur les travaux agricoles ; ceux des manufactures sont beaucoup moins propices à l’esprit de communauté. Au début, les sociétés trembleuses tendaient à posséder le plus de terre possible, et le fruit de leurs économies était consacré à en acquérir ; mais un projet de loi fut proposé, il y a quelque vingt ans, au corps législatif de New-York pour déterminer la quantité de terre que devaient posséder les trembleurs. et jusqu’au nombre de leurs apprentis ; le projet de loi ne passa pas du reste, et d’eux-mêmes ils convinrent de s’imposer