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est difficile à résoudre, et la réponse peut varier d’un pays à l’autre suivant le degré d’honnêteté et d’intelligence des représentans de l’état, suivant le degré d’initiative et les ressources de l’intérêt privé.

Quoi qu’il en soit, sitôt qu’un réseau de chemin de fer est approprié à une région, qu’il a attiré à lui les courans principaux du commerce, qu’il soit l’œuvre de l’état ou l’œuvre d’une compagnie ou de plusieurs compagnies d’abord rivales, puis coalisées, il finit par jouir d’un monopole véritable. Plus ce monopole commencera tard, plus il sera coûteux car toutes les résistances qu’on aura trouvées dans la lutte avec d’autres lignes se traduiront en charges pécuniaires. Qu’on veuille donc envisager simplement la question des chemins de fer comme une sorte de problème de mécanique sociale et admettre les faits suivans : une région étant donnée, il y a un réseau préférable à tous les autres, capable de rendre un maximum de services. Cela posé, il ne reste à chercher que les moyens les plus économiques de construire, d’entretenir et d’exploiter ce réseau.

Avant d’aborder ce grand problème dans les détails, nous voudrions appeler l’attention sur un fait capital qui le domine, et qui n’est pas encore entré assez profondément dans l’esprit du public. On a vu de grandes fortunes s’élever par l’industrie des chemins de fer : on a été porté à en conclure que cette industrie est très rémunératoire, c’est le jardin des Hespérides, gardé avec un soin jaloux, le Potose moderne. Il n’y a pas, l’expérience en fait foi, de plus grave erreur. Qu’on étudie cette industrie dans les pays où les systèmes les plus divers ont été appliqués, et je parle des plus riches, de ceux où l’esprit d’entreprise a les ailes les plus larges, de l’Angleterre, des États-Unis, de l’Allemagne, de la France ; que l’on compare partout le capital qui a été employé aux réseaux de toute sorte, capital-actions et capital-obligations réunis, on trouvera toujours le même résultat : les transports par voie ferrée constituent une industrie placée vis-à-vis du public et de l’état dans de telles conditions que l’argent n’y trouve qu’une rémunération en somme médiocre, bien inférieure souvent à celle qu’il trouverait dans la plupart des grandes industries.- La raison en est bien simple : s’il n’y a pas d’instrument plus parfait, plus étonnant, plus admirable que le chemin de fer, il n’en est pas de plus coûteux. Les routes une fois terminées, les canaux creusés ne dévorent pas incessamment du capital nouveau ; la proportion du produit brut et du produit net sur ces voies de communication n’est pas du tout ce qu’elle est sur les chemins de fer. Ceux-ci sont des consommateurs de houille d’un appétit effrayant ; leur service est ainsi