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Sept compagnies possèdent aujourd’hui à peu près toute l’Angleterre. Le ministre des travaux publics en Belgique disait en 1870 : « On a cru en Belgique, comme en Angleterre, que pour amener le bon marché il fallait empêcher le monopole des chemins de fer ; qu’aux lignes existantes il fallait opposer des lignes concurrentes. Or l’expérience a prouvé que la concurrence des chemins de fer produit des effets en sens inverse, qu’au lieu de la réduction elle a pour effet final le renchérissement des frais de transport. » Il est évident en effet que deux compagnies qui se battent à coups de tarifs, une fois fusionnées, sont obligées de faire payer au public les frais de la guerre.

Nulle contrée n’a une géographie aussi simple que la nôtre au point de vue des chemins de fer ; les limites des grands réseaux se sont trouvées tout naturellement tracées. Ils ne peuvent se nuire, ils ne peuvent que s’entr’aider. Leurs administrations vivent en bonne harmonie, elles ont des conventions très avantageuses pour le commerce ; sur les régions frontières où les réseaux se touchent, il est entendu qu’on fait toujours suivre aux marchandises la route la plus courte. Les négocians, les industriels, peuvent toujours, dans les questions qui touchent aux tarifs, remettre leurs intérêts à une seule administration, quelque chemin que prennent les expéditions ; cette administration se charge de traiter avec toutes les autres. Supposez au contraire un grand nombre de compagnies vivant mal ensemble ; il faudra que l’œil du commerçant suive sa marchandise pour ainsi dire de gare en gare, que l’industriel livre dix batailles au lieu d’une pour obtenir le moindre service.

Le système français est en vérité si simple, si harmonieux, qu’il a obtenu l’admiration de l’étranger. Voici ce qu’en dit un rapport parlementaire anglais (rapport de 1872) : « En France, les grandes fusions sont accomplies depuis longtemps ; les compagnies ne se font pas concurrence, leurs relations sont amicales. Finalement, l’esprit de corps entre les directeurs de chemins de fer, leurs relations avec l’état, le pouvoir dont jouit l’état de trancher souverainement les différends qui s’élèvent entre eux au sujet de l’interprétation ou de l’inexécution des cahiers des charges, tendent à imprimer au système des chemins de fer une marche régulière et harmonieuse. »

Il semble peu probable que l’état, si intéressé à la prospérité des grandes compagnies, créancier de quatre d’entre elles, menacé de voir le fardeau de la garantie d’intérêt s’alourdir d’année en année, aille de gaîté de cœur troubler cette harmonie, que nos voisins nous envient ; mais il y a des projets plus dangereux que ces ambitieuses demandes de lignes qui prétendent traverser la France de