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au courant de ces menées, profondément dépité de cet abandon de l’Angleterre, et ne pouvant se résoudre à accepter son échec ni surtout à en faire l’aveu sans phrases devant le corps législatif, avait imaginé (5 novembre) cet appel à un congrès général, qui ne fit qu’augmenter les inquiétudes de l’Europe, et inspirer notamment au chef du foreign office des terreurs indicibles. Non content de répondre à l’invitation du cabinet des Tuileries par une note des plus acerbes et blessantes, lord John Russell se mit en campagne afin de préserver les cours étrangères de la contagion de l’idée française ; il perdit presque entièrement de vue les dangers du Danemark et ne songea plus qu’à combattre le projet de Napoléon III, projet assurément peu viable, et qui, pour mourir de sa mort naturelle, n’avait nul besoin d’un pareil déploiement des forces britanniques. Le président du conseil de Prusse jugea le moment venu d’abattre son jeu. La dernière ombre d’une entente occidentale venait de disparaître ; seule l’alliance de la Russie et de la Prusse demeurait intacte, inébranlable, au milieu du désarroi général des cabinets ; aucun concert européen pour la protection du Danemark n’était à craindre. M. de Bismarck pouvait maintenant « ne plus avoir d’objection » contre l’exécution fédérale dans le Holstein, et bientôt un événement inespéré, un de ces coups de fortune magnifiques comme les a rencontrés si souvent le ministre de Guillaume Ier dans sa merveilleuse carrière, vint lui prouver qu’il était décidément en veine. La mort subite du roi Frédéric VII (15 novembre 1863) a quelque chose de si tragique, de si fatal pour les