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chef de l’escorte espagnole, maintenant votre altesse est libre, qu’elle accomplisse ce qu’elle a promis ! — Tout sera fait, » répondit François Ier. Il embrassa ses enfans, descendit dans la barque qui les avait conduits et fut ramené au rivage. Dès qu’il eut mis le pied sur la terre de France : « Ah ! s’écria-t-il, je suis roi, je suis roi encore ! » Et, s’élançant à cheval, il courut au galop vers Saint-Jean-de-Luz. Quel contraste en cette matinée du 17 mars ! Tandis que le roi, dans le sentiment de sa liberté reconquise, reprenait possession du sol natal avec des transports de joie, les deux jeunes otages étaient conduits au fond des montagnes pour y être enfermés sous la garde de soldats grossiers. Le roi de France avait passé toute une année dans les prisons d’Italie et d’Espagne ; la captivité des enfans de France devait être bien autrement longue.

Les événemens qui remplissent les quatre années suivantes sont racontés par M. Mignet avec une abondance et une précision de détails qui les font revivre sous nos yeux. Si la morale condamne la conduite de François Ier envers Charles-Quint, l’opinion publique au XVIe siècle n’avait pas tant de scrupule. Avant que le roi de France eût manqué à sa parole et rompu le traité de Madrid, une grande partie de l’Europe semblait l’y engager. L’Europe politique de ces temps agités avait besoin de la France. L’ambition de Charles-Quint était une cause d’alarmes pour tous les états ; l’Angleterre se sentait menacée aussi bien que le pape, et les princes italiens, et la république de Venise. Une alliance générale se forma contre l’empereur d’Allemagne. M. Mignet excelle à débrouiller ces confuses annales où s’entremêlent les négociations secrètes et les guerres. Il se transporte d’un pays à l’autre, et, comme il a interrogé les documens les plus authentiques, il sait ce qui se passe dans les conseils de Charles-Quint comme dans le cabinet du cardinal Wolsey. Les entreprises de la confédération italienne, l’attitude tour à tour circonspecte et hardie de Clément VII, le premier pillage du Vatican par les Colonna au mois de septembre 1526, l’attaque de Rome par les soldats du connétable de Bourbon et les luthériens de Frondsberg, le 6 mai 1527, la mort du connétable au début de l’escalade, le sac de la ville éternelle, les dévastations, les profanations, sous les yeux du pontife réfugié dans le château Saint-Ange, la stupeur de la chrétienté, l’embarras du roi catholique, — puis en 1528 l’alliance de Henry VIII et de François Ier, une guerre générale qui recommence, les défis injurieux que se portent les deux rivaux, cette lutte acharnée sur le point de se terminer par un duel, bref les crimes de la force aussi bien que les fourberies de la politique, toutes ces choses si diverses inspirent à l’historien des pages dont l’intérêt ne languit pas. Le récit des événemens les plus