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Remonter du conte au mythe et du mythe à l’élément mythique, tel est donc le travail d’une foule d’esprits ingénieux, en Allemagne, en Angleterre, en Italie, en France, où M. Gaston Paris, dans un petit livre tout plein de science, vient de démontrer comment une constellation, la grande Ourse, est devenue l’histoire du Petit-Poucet. Tout le monde n’a pas la mesure et la méthode de M. Gaston Paris, et quand la science est grossie, gonflée par l’imagination, ce qui lui arrive quelquefois, elle déborde et roule aux chimères. Le Véda est plein de mythes où le soleil et l’aurore reviennent à tout moment ; aussi ne voit-on partout que des soleils et des aurores. Si Cendrillon perd sa pantoufle, c’est que l’aurore, dans un hymne védique, était appelée « la fille sans pieds ou sans chaussures ; » si la Chatte blanche de Mme d’Aulnoy devient une belle fille blonde vêtue de rose, c’est que l’aurore, également rose, remplace la lune, également blanche, quand la nuit s’en va. Le jeune prince qui court après Cendrillon, celui qui épouse la Chatte blanche sont des soleils errans : ainsi le veut l’école de M. Max Müller. Qu’en diraient Perrault et le bon La Fontaine ? Il existe à Naples un Christ miraculeux sur le front duquel repoussent des cheveux chaque année : un auteur allemand a reconnu dans ce tour de passe-passe un mythe solaire. Autant vaut croire au miracle ; les naïfs qui l’admettent ne se piquent pas du moins d’être savans.

Tout en résistant aux abus de cette théorie, il faut lui savoir gré des études qu’elle a suscitées et des faits très curieux qu’elle a découverts. Les contes siciliens contiennent quantité de figures et d’images, de symboles peut-être qui leur viennent de l’Orient : la Belle à l’étoile d’or, les sept montagnes d’or, les sept cèdres, les femmes blanches comme la neige et rouges comme le sang, les chevaux ailés, les vaches qui filent, les oiseaux qui parlent et les hommes qui les comprennent, les duels sans nombre contre des monstres représentant la lutte éternelle des ténèbres et de la lumière, du bien et du mal. Quelques-uns de ces contes appartiennent-ils, comme on le voudrait, à l’époque où nos races formaient une seule famille, à la période qui précéda l’émigration des Aryens ? C’est bien difficile à prouver, si c’est bien séduisant à croire. Il y a toutefois des analogies frappantes entre certains récits recueillis par M. Pitrè et ceux des recueils indiens qu’on recherche et qu’on publie si activement de nos jours. Une des plus agréables histoires de la Messia est celle du perroquet conteur.

Un grand négociant se marie, épouse une femme « bonne comme le bon matin » et se met en voyage pour ses affaires, mais non sans avoir pris de sages précautions. Il laisse à sa femme une riche provision « de pain, de farine, d’huile, de charbon et de tout ; » il a cloué les portes et les fenêtres, une exceptée, très haute, afin que la