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la situation de l’église établie d’Angleterre pendant la plus grande partie du siècle dernier. Il y eut sans doute quelques belles âmes qui se détachèrent sur ce fond terne par le talent et le caractère, par exemple, sans parler du philosophe Locke, Butler, évêque de Durham, auteur d’un traité longtemps célèbre sur l’Analogie de la religion naturelle et révélée, Warburton, évêque de Glocester, plus tard Paley, ingénieux apologiste du christianisme et qui fait encore autorité en Angleterre. Ce fut en effet la défense de la religion chrétienne qui fournit leur thème favori aux théologiens anglais de cette époque, où le déisme pur et la philosophie sceptique de Hume recrutaient de nombreux partisans dans les classes élevées. Il faut même ajouter qu’ils remportèrent une victoire relative, en ce sens que nulle part les croyances traditionnelles, modifiées, il est vrai, par l’émondage protestant, ne souffrirent moins qu’en Angleterre de la tempête philosophique du XVIIIe siècle. Au commencement du XIXe, en Angleterre, l’hostilité au christianisme biblique était inconnue. Toutefois ce genre de polémique ne pénétrait guère au-dessous des couches sociales où il y avait assez d’instruction pour le suivre. En réalité, l’indifférence religieuse était très grande, bien qu’avec une régularité tout anglaise les formes de la dévotion publique fussent très généralement observées.

Ce fut le vieil esprit puritain, toujours latent au sein de la petite bourgeoisie et dans les campagnes, qui, recommençant à s’agiter, finit par remuer ces eaux dormantes. Le méthodisme, cette religion des revivais populaires qui ne connaît qu’une peur, celle de l’enfer, et qu’une joie, celle de l’assurance du salut par le sang du Christ, qui tient en profond dédain les sciences, la critique, l’histoire qu’elle n’a jamais sérieusement étudiée, le méthodisme fut propagé par ses deux fervens apôtres Wesley et Whitefield dans les échoppes et les chaumières du royaume-uni. D’abord peu désireux de se séparer de l’église épiscopale, il fut trop mal vu des évêques et autres grands dignitaires pour ne pas à la fin se brouiller avec elle. Le dissent prit, grâce à lui, des proportions inquiétantes pour la conservation de l’establishment. De plus il agit fortement à l’intérieur même de l’église en inculquant son point de vue essentiel à un grand nombre de clergymen qui formèrent le parti dit évangélique ou de l’église basse. C’est en réaction contre ce puritanisme de l’intérieur, qui tendait à enlever à l’église d’Angleterre son caractère liturgique et sacerdotal, que surgit à Oxford cette modification de l’ancien prélatisme à laquelle le docteur Pusey a laissé son nom, et qui de nos jours s’est résolue en un ritualisme de la plus belle eau. Si les partisans de l’évangélisme se rapprochent du type calviniste et donnent aisément la main à leurs frères en la foi du dissent, le parti ritualiste confine au catholicisme et de temps à autre est fort disposé