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à s’identifier avec lui. En un mot, après l’accalmie prolongée du XVIIIe siècle, l’église d’Angleterre se retrouve encore partagée entre le principe sacerdolal et le principe dogmatique, et, pour achever l’analogie, l’ancien parti philosophique, modéré, tolérant, des latitude-men est ressuscité dans celui de « l’église large, » broad church, que nous allons maintenant envisager de plus près.

Au XIXe siècle, comme au XVIIe en Angleterre le mouvement initial d’une réforme théologique dans le sens du libéralisme et d’une critique plus indépendante est dû à un penseur qui ne fut pas théologien de profession, à S. Coleridge, mort en 1834, poète et philosophe, surtout causeur de premier ordre, qu’on a surnommé un peu prétentieusement le Schelling anglais. Son mérite fut en tout cas de sortir des sentiers battus et d’entraîner avec lui un certain nombre de jeunes gens d’élite. D’une part, il fut un des inspirateurs de Byron, de l’autre il détermina plusieurs jeunes théologiens à délaisser les fastidieuses controverses de la haute et basse église pour chercher une région plus scientifique et plus large où la philosophie, la science et le sentiment religieux, tout en se donnant la main, pourraient se mouvoir plus à l’aise. On devait déjà prévoir qu’une grande question, celle de l’autorité doctrinale des livres bibliques, se poserait un jour ou l’autre devant le public de l’Europe le moins préparé à la discuter froidement. Le fond commun des croyances en Angleterre, c’était le respect, disons plutôt le culte de la Bible. Les plus libéraux aimaient à opposer les textes de la Bible, avec leur élasticité relative, aux formules de bronze du dogmatisme régnant. Les évangéliques croyaient y trouver partout, même dans l’Ancien-Testament, à plus forte raison d’un bout à l’autre du nouveau, leur chère doctrine de la rédemption, qui en réalité ne se trouve à peu près enseignée que dans les épîtres pauliniennes ; mais en sollicitant les autres textes ils réussissaient à la leur endosser. La haute église et les puséistes étaient d’avis que la Bible seule ne suffisait pas à l’enseignement populaire, que de plus il fallait, pour en fonder l’autorité comme pour en déterminer le vrai sens, recourir à la tradition de l’église ; mais ils étaient à mille lieues de révoquer en doute soit l’authenticité, soit l’inspiration miraculeuse du recueil sacré. C’eût été d’ailleurs arguer d’erreur la tradition de l’église qui garantissait l’une et l’autre, ce qui leur semblait inadmissible. Il y a enfin dans le caractère anglais un trait éminemment conservateur qui consiste à accepter comme légitime ce qui est établi, comme démontré ce qui est admis, tant que cette acceptation n’entraîne pas des conséquences pratiques trop fâcheuses, et qu’on ne sait remplacer immédiatement l’institution ou la croyance critiquée par quelque chose de meilleur. La Bible, devenue depuis la réforme le livre populaire par excellence, lue,