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nographes, il aide à faire connaître la civilisation et les mœurs du siècle des Porphyrogénètes. Il nous apprend quelle était la vie des frontières romaines et comment les idées chevaleresques et les institutions féodales s’y étaient développées. Il nous a conservé de magnifiques légendes que la tradition orale aurait pu négliger : il nous montre comment se maintenaient au sein des populations de l’Anatolie la flamme poétique et l’énergie créatrice, et comment dans leur vive imagination se reflétaient non-seulement les anciennes traditions de l’Hellade, mais encore les mythes de la Perse, de l’Inde et de l’Arabie. Au point de vue philologique, l’importance de ce poème n’est pas moins considérable : c’est le plus ancien monument jusqu’à présent connu de la langue vulgaire : on peut y saisir la transition du grec des écoles et de l’église au grec du peuple.

Les auteurs de cette publication sont déjà connus des amis de la littérature hellénique. M. Émile Legrand a édité de curieux débris du passé grec, contes et romans, chansons d’amour et d’aventure, poèmes de cour et de chevalerie. Ses travaux forment une véritable " collection de documens pour servir à l’histoire de la langue néohellénique. M. Sathas, ancien étudiant en médecine de l’université d’Athènes, s’est consacré tout entier à la recherche des documens qui se rapportent au moyen âge grec. Son histoire de la littérature nationale depuis la chute de Constantinople jusqu’à la proclamation de l’indépendance, sa Chronique de Galaxidi, où sont racontées les tentatives sans nombre des Hellènes pour secouer le joug ottoman, avaient déjà attiré sur lui l’attention des savans. Il a édité en 1867 le poème de Coronaïos en l’honneur du capitaine d’estradiots Mercurios Bouas ; c’est un document dont la place est marquée dans toute collection un peu complète des historiens de la France. Le capitaine Mercurios est un de ces chefs de soldats helléniques qui furent mêlés à toutes nos grandes guerres du XVIe siècle, comme mercenaires à la solde des rois et des républiques d’Occident. Il combattit contre nous à Fornoue, où il se vante d’avoir désarçonné Charles VIII ; il combattit pour nous à Marignan avec François Ier et l’Alviane.

Il y a trois ans, M. Sathas entreprenait cette Bibliotheca medii œvi qui sera une des plus vastes collections qu’on ait encore consacrées depuis le XVIIe siècle à l’histoire de la Grèce pendant les siècles intermédiaires. Quatre volumes ont déjà paru : deux surtout nous intéressent plus particulièrement, puisqu’ils renferment des chroniques inédites sur l’île de Chypre pendant la domination de ses rois français. La renaissance de ces grandes études ne peut nous laisser indifférens. N’est-ce pas en France qu’on en a pris d’abord l’initiative ? C’est à Paris qu’a été publiée au XVIIe siècle la grande