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je rappellerai seulement que les églises de rite grec furent consultées et que toutes donnèrent tort à l’évêque bulgare et déplorèrent cette rupture, où elles voyaient avec raison une trahison de la cause hellénique. Seuls les théologiens de Russie répondirent d’une manière évasive ou ne répondirent pas, preuve évidente que le schisme se faisait au profit de cette puissance. Quand tout espoir de retour se fut évanoui, le patriarche n’eut plus qu’à lancer contre les schismatiques les formules ordinaires de l’excommunication. Cependant le mal était fait : le panhellénium avait reçu la plus cruelle blessure qu’il pût alors recevoir. Aujourd’hui, grâce à l’élément slave qui domine dans les pays bulgares et à l’idée fausse, répandue dans ces contrées par la propagande, que les Bulgares sont des Slaves, la Russie y développe librement son action au détriment de la Turquie et de l’hellénisme à la fois.

Les pays habités exclusivement ou principalement par des Hellènes sont une citadelle toujours fermée aux influences religieuses du dehors, de quelque nature qu’elles soient. L’affaire de l’église bulgare a brouillé pour longtemps les Grecs avec la Russie, mais ne les a pas pour cela rejetés du côté des Latins. Lorsque Rome imagina de réunir un concile pour y traiter de l’infaillibilité, le pape envoya aux patriarches et aux évêques d’Orient l’invitation de s’y rendre. Les évêques répondirent par un refus, motivé sur la stabilité des croyances conservées dans leurs églises et sur l’impossibilité où ils étaient d’assister à une réunion dans laquelle ils ne paraîtraient pas comme les égaux de l’évêque de Rome. Un peu plus tard, les « vieux-catholiques, » par la plume éloquente du père Hyacinthe, invitèrent l’église grecque à se réunir à eux. Dans une réponse parfaitement rédigée, le synode d’Athènes leur fit observer que, s’ils voulaient remonter jusqu’au VIIIe siècle, comme ils l’annonçaient, rien n’était plus aisé qu’une telle réunion, puisque, l’église grecque n’ayant pas varié depuis cette époque, il suffisait, pour se réunir à elle, d’adopter ses dogmes et ses rites et de rentrer dans son sein. L’affaire n’eut pas d’autres suites.

C’est donc une entreprise bien chimérique que de vouloir convertir les Hellènes soit au catholicisme romain, soit au catholicisme épuré ; c’est une chimère aussi que l’union des Grecs et des protestans rêvée par quelques théologiens et par des politiques à courte vue, — car les Grecs n’abandonneront pas plus leurs croyances religieuses et leur hiérarchie sacerdotale que leur nationalité, avec laquelle elles sont pour ainsi dire confondues. C’est encore ici l’une des nombreuses erreurs où persiste notre diplomatie. Il y eut un temps où le roi de France était dans le Levant le protecteur des chrétiens : il y avait à cette époque de nombreux catholiques sujets