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alliance nécessaire et féconde entre la France et la Prusse ! « L’Autriche, pensait un autre membre important du conseil privé, n’inspire aujourd’hui que cet intérêt, si voisin de l’indifférence, qui s’attache aux forts devenus faibles par leur faute, n’ayant syrien prévoir et rien préparer. Jusqu’ici, tout est pour le mieux[1]. » Tandis que M. Magne prononçait ainsi le vœ victis sur l’empire des Habsbourg, — sans se douter que quatre ans plus tard, hélas ! l’Europe se servirait d’expressions presque identiques à l’égard de la France elle-même, — une femme auguste, une sœur du roi de Wurtemberg et proche parente de la famille impériale de France, tenait un tout autre langage. « Vous vous faites d’étranges illusions, disait-elle ; votre prestige a plus diminué dans cette dernière quinzaine que pendant toute la durée du règne ! Vous permettez de détruire les faibles ; vous laissez grandir outre mesure l’insolence et la brutalité de votre plus proche voisin ; vous acceptez un cadeau, et vous ne savez même pas adresser une bonne parole à celui qui vous le fait. Je regrette que vous me croyiez intéressée à la question et que vous ne voyiez pas le funeste danger d’une puissante Allemagne et d’une puissante Italie. C’est la dynastie qui est menacée, et c’est elle qui en subira les suites… Ne croyez pas que le malheur qui m’accable dans le désastre de ma patrie me rende injuste ou méfiante. — La Vénétie cédée, il fallait secourir l’Autriche, marcher sur le Rhin, imposer vos conditions ! Laisser égorger l’Autriche, c’est plus qu’un crime, c’est une faute… » Faute ou crime, la décision à cet égard était déjà prise avant que fût parvenu aux Tuileries cet appel chaleureux de la reine de Hollande[2]. Napoléon III était très souffrant à cette époque, se débattant sous les premières étreintes d’un mal cruel qui ne lui a plus pardonné, par suite moins porté que jamais à des résolutions vigoureuses, et, dès le 10 juillet, après un grand conseil des ministres tenu à Paris en présence de l’empereur, le prince de Metternich dut télégraphier à Vienne que la France n’interviendrait dans le conflit que par la parole de ses diplomates.

Il y avait pourtant quelque chose de plus efficace, de plus loyal dans tous les cas, à tenter qu’une vaine médiation isolée, pleine de réticences périlleuses et de calculs égoïstes : il y avait tout simplement à saisir l’ensemble des puissances d’une question à coup sûr éminemment « européenne » et qui intéressait à un si haut degré

  1. Note confidentielle de M. Magne pour l’empereur. — Papiers et correspondance de la famille impériale, t. Ier, page 240.
  2. La lettre, adressée au ministre de France à La Haye et mise sous les yeux de l’empereur, fut retrouvée aux Tuileries après le 4 septembre. — Papiers et correspondance de la famille impériale, t. Ier, p. 14.