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social autorise. Les communautés grecques ont fondé des écoles dans un grand nombre de villes et de villages ; elles ont créé, sur un modèle analogue à ce que nous appelons chez nous « conférences, » des réunions où des hommes instruits apportent à jour fixe les résultats de leurs recherches ou de leurs méditations. On y disserte sur l’histoire, sur l’archéologie, sur des sujets de science, de morale, de politique, d’économie, d’art même et quelquefois d’industrie. Ainsi les connaissances de chacun sont mises dans le domaine de tous. Le syllogue philologique de Constantinople sert de modèle et de centre à ceux qui existent à Smyrne et dans beaucoup d’autres endroits. Ces sociétés se créent un revenu parades dons, des cotisations et des legs ; elles ont des bibliothèques, elles organisent des musées et des collections. Les Grecs dispersés dans le monde entier et enrichis par le commerce se font une gloire et un devoir de leur envoyer des secours, parfois très considérables.

Enfin le royaume grec est devenu le centre le plus important d’instruction pour la race hellénique dans tout l’Orient. L’université d’Athènes, qui est comme la Sorbonne de cette ville, réunit un nombre d’étudians qui n’est pas loin de 2,000 et parmi lesquels se trouvent beaucoup de jeunes gens venus des pays musulmans. Chaque année, un certain nombre d’entre eux vont en France, en Allemagne, en Autriche, compléter leur éducation, et en reviennent médecins, juristes, négocians, professeurs, quelquefois industriels, et pénétrés des principes qui font la force de notre civilisation. A côté de ce grand établissement, qui a des revenus et une heureuse autonomie, s’élève la grande maison de jeunes filles, l’Arsakion. Depuis 1869, où j’eus occasion d’en parier ici même[1], elle a prospéré de plus en plus : organisée comme nos lycées, elle ne renferme pas aujourd’hui moins de treize cents jeunes filles de tout âge, partagées en classes et recevant l’instruction des professeurs mêmes de l’université et du gymnase. Ainsi la Grèce, où le clergé ne lutte pas contre l’état et ne cherche nullement à s’emparer des femmes pour être par elles maître des affaires publiques et privées, a réalisé ce que le second empire français n’a pu faire malgré la force de son organisation. En dehors de l’enseignement régulier, des Grecs d’Athènes, aidés par leurs compatriotes étrangers, ont fondé il y a quelques années Un syllogue pour la propagation des lettres grecques ; cette société, sans faire de bruit, a rayonné dans le monde hellénique, particulièrement vers le nord ; elle crée et entretient des écoles, fournit des maîtres et des matériaux pour l’enseignement populaire et contribue puissamment aujourd’hui à élever

  1. Voyez la Revue du 15 mai 1869.