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les arbres d’une forêt voisine de la station, reçoivent le pétrole brut, tel qu’il sort des puits. L’huile, verdâtre, puante, coule lourdement, remplissant l’air de ses émanations. Aucune surveillance, une pancarte seule avertit le passant qu’il est défendu de fumer. De ces cuves, de nouveaux tuyaux descendent vers la station, et là sont des réservoirs cylindriques en fer, à bouts lenticulaires, ayant la forme des chaudières horizontales à vapeur, et d’une capacité de 85 barils. Ils sont montés sur un châssis à roues, passent successivement devant le tuyau d’où s’écoule le pétrole, et s’emplissent ; puis le train part, emportant chaque fois vers Cleveland, Pittsburg, New-York, où sont les plus vastes raffineries de pétrole, une vingtaine de ces grands réservoirs. C’est par ces moyens ingénieux qu’on a assuré le transport à la fois économique, rapide et sûr du pétrole, et le temps semble bien loin où les barils s’en allaient péniblement sur des charrettes rejoindre la rivière Alleghany par les routes de terre aux ornières profondes, puis descendaient en radeau jusqu’à Pittsburg au moment des hautes eaux.

Pittsburg est resté le centre le plus important de la raffinerie du pétrole ; mais Cleveland lui dispute la palme. A Cleveland, une usine considérable fait presque seule tout ce travail, et, bien que reléguée assez loin de la ville, l’empeste de ses émanations, surtout le soir. Les habitans se consolent en pensant que le pétrole est bon contre les rhumatismes. L’huile propre à l’éclairage est le principal produit qu’on retire de la purification du pétrole. Elle est limpide, blanche, d’un éclat opalin, d’une légère odeur éthérée. L’huile brute fournit environ 75 pour 100 de cette huile ; le reste se compose des résidus dont il a déjà été parlé. L’huile lampante est versée dans des barils en bois de chêne, et à cet état répandue à travers toute l’Amérique et sur toutes les places de l’univers. Le pétrole est devenu l’un des principaux, produits d’exportation des États-Unis. Il vient après le coton et le blé, avant le tabac, les viandes salées et les bois. Les ports d’embarquement sont Philadelphie, New-York, Baltimore, Boston ; les principaux ports d’arrivée en Europe, Anvers, Hambourg, Brême, Liverpool, puis Le Havre, Marseille, Gênes. Quelques-unes de ces places reçoivent le pétrole brut et trouvent avantage à le raffiner elles-mêmes, Chacun a vu dans ces ports, et même devant les grands magasins de droguerie de certaines villes de l’intérieur, quelqu’un de ces barils de chêne à panse renflée, revêtus d’une peinture bleu-clair, et d’une contenance d’environ 200 litres : c’est le type désormais classique des barils à pétrole américains. On les fabrique mécaniquement par milliers à la fois, à Pittsburg, à Cleveland, d’une façon aussi rapide qu’originale. Des grappins de fer serrent automatiquement les cercles sur les douelles assemblées ; un rabot circulaire donne le