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biseau aux fonds. Cela fait, les barils descendent seuls les uns suivant les autres par un couloir incliné, au bas duquel un peintre les reçoit. Armé d’un large pinceau, il les badigeonne d’une main en les faisant tourner rapidement de l’autre sur le plancher horizontal. En une heure, plus de 60 barils ont reçu de la sorte leur couche réglementaire. Après cela, on les tare, les jauge et les emplit. La jauge se tient toujours aux environs de 42 gallons ; le gallon impérial égale 4 litres 1/2.

On calcule que, sur les 10 millions de barils produits en 1873 par les États-Unis, le tiers a été consommé sur place et les deux tiers exportés. Depuis les premiers temps de l’extraction de l’huile, la même proportion existe entre la consommation et l’exportation américaines. C’est principalement à l’éclairage que tout le pétrole est employé. L’exploitation de l’huile minérale a fait presque entièrement renoncer à l’usage de l’huile de baleine, et la pêche de cet important cétacé a considérablement diminué depuis quinze ans.

Quelques esprits chercheurs, frappés de l’abondance toujours plus grande de la production du pétrole, ont imaginé de l’appliquer brut au chauffage des chaudières à vapeur et des foyers métallurgiques. Volontiers, ils ont vu en lui, devant l’inépuisable fécondité des sources pensylvaniennes et l’importance que pourraient prendre un jour les gîtes analogues des États-Unis, du Canada, des Apennins, du Caucase, de la Birmanie, le combustible de l’avenir. Il est facile de les détromper. S’il est vrai qu’un poids donné de pétrole fournit à peu près deux fois plus d’effet calorique que le même poids de houille, et relativement ne coûte pas plus cher, qu’est-ce que tout le poids de pétrole que peut produire le monde entier, ce poids fût-il deux fois plus considérable que tout ce que la Pensylvanie fournit aujourd’hui, devant la seule quantité de houille qu’extrait la Grande-Bretagne ? Ces deux poids sont respectivement dans le rapport de 1 à 125, c’est-à-dire que tout le pétrole produit par les États-Unis est à peine équivalent en poids à 1 million de tonnes, quand la Grande-Bretagne seule produit 125 millions de tonnes de charbon. Il n’y a donc aucun espoir ni aucune crainte à concevoir de ce côté, et jamais le pétrole ne détrônera la houille dans les emplois calorifiques et mécaniques, ni même dans la fabrication du gaz. Aucune des nombreuses expériences partout tentées à ce sujet n’a jamais réussi économiquement, et ce n’est que pour des cas très particuliers que l’on peut prévoir que le pétrole arrivera quelque jour à se substituer avec avantage à la houille. L’empereur Napoléon III, qui apportait dans les recherches scientifiques, pour lesquelles il croyait avoir une aptitude spéciale, le même esprit mystique et bizarre que dans ses combinaisons politiques et sociales, avait songé un moment à appliquer le pétrole aux usages