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DU
DOGMATISME EN POLITIQUE
À PROPOS D’UN DISCOURS PRONONCE À DOMPAIRE

Il se forma en Angleterre, après la restauration des Stuarts, un parti politique composé d’hommes de transaction et d’accommodement, à la tête desquels se trouvait le vicomte Halifax. À cette époque de violens conflits entre la liberté et le droit divin, entre la cour et le parlement, entre les prérogatives de la couronne et les prétentions parfois excessives des communes, ces hommes d’accommodement censuraient toutes les exagérations, gardaient en toute chose un juste milieu, s’efforçaient de rallier aux tempérament qu’ils proposaient tous les esprits rassis et modérés. Cavaliers et têtes-rondes, whigs et tories, les partisans des opinions extrêmes, reprochaient à ces politiques philosophes d’être toujours prêts à s’arranger de tout et avec tout le monde, et ils leur avaient donné le surnom de trimmers, dont Halifax faisait gloire comme d’un titre honorable. — Toutes les bonnes choses de ce monde, disait-il, sont une sorte d’arrangement, de transaction, un milieu raisonnable entre deux extrêmes. La zone tempérée est un compromis entre les climats où l’on meurt de chaud et les climats où l’on meurt de froid, l’église anglicane un compromis entre le papisme et les extravagances des anabaptistes, la constitution anglaise un compromis entre le despotisme turc et l’anarchie polonaise. — Halifax, si bien peint par Macaulay, était un homme supérieur ; il avait un esprit vif, étendu et fertile, un charme infini dans la conversation, une éloquence lumineuse qui faisait les délices de la chambre des lords. Malheureusement il lui échappait des mots terribles, ses incartades lui faisaient beaucoup d’ennemis, et, n’ayant pas assez d’autorité dans le caractère, il ne pouvait en donner à la politique modérée qu’il professait, et qui en a besoin plus que toute autre. Tel qu’il était et en dépit de ses travers, les Stuarts se seraient bien trouvés de suivre toujours ses avis. L’un des premiers actes de Jacques II, après son avènement au trône, fut de l’exclure de son conseil privé. Nous ne savons