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se laissent souvent caresser sans manifester aucune crainte. Ils s’établissent sur les îlots, où les renards, leurs ennemis acharnés, ne peuvent venir les surprendre, et tels de ces rochers incultes et abrupts que l’on aperçoit dans les fiords ou sur le bord de la mer donnent à leurs propriétaires, sans frais d’aucune sorte, des récoltes en duvet de 30 à 40,000 francs. La défense de chasser l’eider est d’autant plus facilement observée par les Islandais, que la chasse est un plaisir qu’ils dédaignent malgré l’abondance et la bonne qualité du gibier qui peuple leur île. Le poil n’y est représenté que par le renne et le renard ; mais le courlis, la bécassine, le pluvier doré, le canard sauvage et généralement tout le gibier d’eau y abondent, ainsi que les lagopèdes ou perdrix blanches, aussi délicates que leurs congénères du continent. Les indigènes paraissent éprouver de la répugnance pour ces ressources comestibles, que la nature leur a départies avec tant de profusion ; ils recherchent plus volontiers les poissons, qui pullulent dans leurs rivières, et notamment le saumon, qu’ils font sécher ou fumer pour la saison d’hiver. depuis plusieurs années, on en fabrique même pour l’exportation des conserves assez appréciées.

Le nombre toujours croissant de navires français qui viennent faire la pêche en Islande n’est, pour la population locale, la source d’aucun bénéfice appréciable. Nos pêcheurs tiennent la mer pendant presque tout leur séjour sur la côte, et lorsque, par suite d’une circonstance exceptionnelle, ils entrent en relâche dans un fiord, les dépenses qu’ils ont l’occasion d’y faire sont tout à fait insignifiantes, d’autant qu’ils manquent ordinairement d’argent, les avances qu’ils ont reçues au départ ayant été absorbées par les frais d’installation et d’équipement. A deux époques déterminées de la saison, la plupart des navires rallient une baie quelconque, Patrix-Fiord ou Dyre-Fiord sur la côte ouest, et Faskrud-Fiord sur la côte est. C’est d’abord en mai et en second lieu vers la mi-août qu’ont lieu ces relâches périodiques pendant lesquelles les pêcheurs peuvent communiquer avec l’un des bâtimens de guerre de la station, afin d’en recevoir les secours dont ils ont besoin, en mai pour continuer la pêche, en août pour effectuer leur traversée de retour en France. Dans la période de février à mai, le temps a été souvent rude sur la côte et les avaries fréquentes dans la flottille. L’île n’offrant aucune ressource pour les réparations, le bâtiment de guerre est impatiemment attendu par tous ces éclopés de la mer dont il va panser de son mieux les blessures.

Autrefois toutes les réparations étaient faites à titre absolument gratuit. Un abus facile à prévoir s’ensuivit : certains armateurs, réussissant à éluder au départ le contrôle de l’administration de la