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politiques connaît mal, produisent plus encore que les guerres civiles des maux sans compensation : elles ne sauraient en effet aboutir à autre chose qu’à la destruction de capitaux difficilement acclimatés, et dont la perte n’est point rachetée par l’acquisition de territoires déserts et inexploitables. Aussi pourrait-on de prime abord poser en principe que toute question de limites sur ce continent appartient de droit à l’arbitrage des nations désintéressées. L’Angleterre, la France et l’Italie, en autorisant tous les états sud-américains à entretenir sur leurs territoires des agens d’émigration sans contrôle, en n’entravant en rien l’émission sur leurs marchés financiers d’emprunts qui sont la ressource ordinaire de ces gouvernemens, sont par le fait parties contractantes d’une convention tacite qui engage ces états transocéaniques à répondre de la sécurité des individus qu’ils ont à leur profit séparés de la mère-patrie, et à ne pas compromettre dans de folles entreprises des capitaux empruntés pour des œuvres de progrès. Ce contrat, le jour où il cesse d’être fidèlement exécuté, impose aux vieux états qui ont enfanté ces jeunes républiques le devoir d’intervenir et d’empêcher de néfastes conflits par leur influence morale et l’autorité que leur confère leur grandeur matérielle.

Depuis la guerre de sécession, aucune question ne s’est montrée sur le continent américain aussi menaçante et aussi complexe dans ses causes que celle soulevée à la fois par le Brésil et le Chili contre la république argentine. Nous nous proposons d’élucider ici l’origine et le développement de ce conflit, de signaler les dangers qu’il crée et d’indiquer les solutions nécessaires que la diplomatie n’a pu encore amener.


I

Deux guerres dans ces dix dernières années ont attiré sur le continent sud-américain l’attention de l’Europe. En 1864, celle que sous de futiles prétextes l’Espagne avait déclarée au Pérou, et à laquelle par suite d’un traité d’alliance improvisé prirent part le Chili, la Bolivie et la république de l’Equateur, s’était terminée par la retraite de l’Espagne. Quatre républiques s’étaient seules levées contre l’agresseur ; celles de la côte atlantique et l’empire du Brésil avaient refusé toute participation, se renfermant dans une neutralité absolue. Ce refus était motivé par la gravité de la situation que leur créait alors cette autre guerre où le despote paraguayen, don Francisco Solano Lopez, avait attiré le Brésil et les républiques argentine et de l’Uruguay. Blessés néanmoins, les états du Pacifique, quand ils furent délivrés de la présence des canonnières espagnoles,