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FLAMARANDE.

avertis que nous ne le reverrons jamais ; cela vous est assez indiirérent, je suppose ?

— La seule chose qui m’intéresse, c’est le danger auquel vous vous êtes exposé à mon insu et le chagrin qu’a dû ressentir Mme de Montesparre.

Mme de Montesparre ne sait rien encore. Elle apprendra en même temps le danger et le salut de son amant. Est-ce vous qui vous chargerez de le lui écrire ?

— Non certes, à moins que vous ne l’ordonniez ; je ne saurais comment lui dire ce que vous m’apprenez. Je croyais leur liaison si pure et le caractère de M. de Salcède si loyal ! Savez-vous, mon ami, que je vous en veux de m’avoir présenté comme un homme de mérite cet homme que je dois mépriser maintenant, puisqu’il vous a mis dans la nécessité de le châtier ?

— Nous ne parlerons plus de lui, reprit M. de Flamarande avec une dignité froide, nous ne prononcerons jamais son nom, et, si vous voulez m’être agréable, vous ne parlerez jamais de lui avec Mme de Montesparre. La baronne n’est point une personne de votre âge. Elle a trop d’expérience pour vous. Je désire que votre grande amitié improvisée se calme assez pour que vous n’ayez plus lieu d’échanger des confidences.

— En ceci comme en tout, répliqua la comtesse, je ferai votre volonté.

Quand elle se fut retirée, le comte, qui m’avait fait signe de passer dans son cabinet, me rappela.

— Vous avez entendu, Charles ? — J’hésitais à répondre. — Je désire, reprit-il, que vous soyez au courant de tout ceci. Savez-vous pourquoi j’ai fait ce mensonge à madame ?

— Pour l’éprouver sans doute. Monsieur le comte n’espère pas qu’elle ignorera toujours la vérité.

— Je désire qu’elle l’ignore jusqu’à ce que je connaisse, moi, son véritable caractère. Que sait-on d’une femme ? Celle-ci montre une douceur candide et me cache peut-être des abîmes de perversité.

— Oh, monsieur le comte ! à seize ans, sortant d’une famille austère…, ce serait trop fort, c’est impossible.

— Nous verrons, j’observerai. Je ne peux rien savoir du passé, l’avenir m’éclairera.

Nous n’étions qu’à la mi-septembre. Ce n’était pas une saison pour s’installer encore à Paris. M. le comtee emmena madame dans sa terre de Normandie. Je vis, à ses prévisions domestiques, qu’il comptait l’y garder longtemps. M. de Salcède allait réellement mieux, mais de longtemps, disait —on, il ne pourrait quitter sa chambre.