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REVUE DES DEUX MONDES.

vous verrez comme je m’entends à punir, sans qu’on voie la main qui serre le nœud coulant !

XVI.

M. de Flamarande était bien capable de se tenir parole. Il se fâcha avec tous ses voisins à propos de politique, en montrant tout à coup des idées exaltées qui lui étaient venues, ou qu’il feignit d’avoir. Il porta froidement à l’extrême son caractère quinteux et sa discussion tranchante. On s’éloigna de lui, il défendit à sa femme de faire des visites et des invitations, sous prétexte qu’il avait besoin de repos. Madame se résigna à la solitude avec une inébranlable douceur. Je croyais voir dans cette soumission la preuve de son innocence. M. le comte l’interpréta en sens contraire. — Elle sait, disait-il, qu’elle mérite pire que cela. Sa douceur que vous admirez tant est un aveu dont je prends note.

Mme de Montesparre écrivit une seconde fois.

« Vous ne m’avez pas répondu, Rolande ! Je le comprends. Je sais à présent pourquoi. Vous ne pouvez vous résoudre à me parler de ce pauvre malheureux ! Vous savez ce que j’ignorais, ce que je sais enfin ; c’est votre mari qui l’a traité en ennemi mortel, en jaloux féroce. Ah ! que je le hais, votre cher époux !.. Mais vous, Rolande, quel est donc votre rôle en tout ceci ? Je m’y perds. Vous n’êtes pas coquette, peut-être aimiez-vous Salcède ? Sans doute vous avez été ilattée de l’emporter sur moi et de voir à vos pieds un jeune homme si accompli, si supérieur au triste mari imposé à votre inexpérience. Vous aurez eu un instant d’émotion que M. de Flamarande aura surpris. Quoi qu’il en soit, vous êtes une enfant, et je vous pardonne. Je me sens, dans ma douleur et mon humiliation, bien supérieure à vous, puisque je n’abandonne pas mon infidèle et me dévoue à lui, quoi qu’il arrive.

« Ne soyez pas surprise, si à l’avenir je cesse nos relations, et si j’évite de vous rencontrer. Vous portez un nom qui m’est désormais odieux, et, que vous soyez niaise ou perfide, je ne peux plus avoir de confiance en vous. »

J’étais d’avis que M. le comte me laissât recacheter cette lettre, afin que madame la reçût, et qu’on pût s’emparer de la réponse.

— Non, dit-il, la réponse ne serait qu’une protestation mensongère. Il n’y aura plus de confidence sincère entre ces deux femmes. Mettez cette lettre de côté, et qu’il n’en soit pas question.

Un matin que madame était un peu souffrante, le médecin, qui venait voir monsieur tous les deux ou trois jours, déclara, après examen et consultation, que M’"’= la comtesse était enceinte. Elle en