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jours je compulse le code, moi aussi. Eh bien ! je m’arrêterai à ma première idée. Il faut que l’enfant soit inscrit sous mon nom, et qu’il disparaisse aussitôt.

Le comte parlait avec tant de résolution que la sueur m’en vint au front. Il faut qu’il disparaisse ! répétais-je machinalement.

— Vous êtes de mon avis, reprit-il. Il s’agit de trouver le moyen sans encourir les peines légales et sans enfreindre la vraie loi, la loi morale de l’humanité. J’y penserai encore. Pensez-y de votre côté.

XVII.

Une troisième lettre de Mme de Montesparre nous arriva sur ces entrefaites.

« Rolande, pardonnez-moi. J’ai été injuste, insensée. Je vous ai accusée, je m’en repens, vrai ; pardonnez-moi. J’ai confessé tout doucement mon pauvre malade. Je sais maintenant toute la vérité ; elle est cruelle pour moi, mais elle vous disculpe. Vous étiez aimée passionnément, et vous ne vous en doutiez pas. Je ne devrais pas vous le dire, mais j’aime les situations nettes, et après vous avoir offensée par mes soupçons, il m’est impossible de ne pas réparer ma faute par le pardon que je vous demande humblement. M. de Salcède ignore ce que je vous écris. Il espère que vous ne saurez jamais son amour ; il serait mort plutôt que de vous le laisser pressentir. Il n’a pas de torts envers moi, ni envers vous, ni envers M. de Montesparre. Il n’a fait de mal qu’à lui-même ! Il me témoignait une amitié qui est sincère, et qu’il ne m’ôtera jamais. Il vous respecte, il vous vénère et… il vous adore, ce n’est pas sa faute. Après votre départ de chez moi, il a voulu entrer dans votre chambre avant qu’elle ne fût rangée et occupée par une autre personne. Encore, non, je le fais plus coupable qu’il ne l’est. Il passait devant votre petit salon sans avoir rien prémédité ; il ne voulait voir que vos fenêtres. Elles étaient ouvertes, et la lune éclairait un bouquet qu’il avait vu dans vos mains le matin et que vous aviez oublié sur la table de votre petit salon. Il a poussé la porte vitrée, il a pris le bouquet, il n’a pas même franchi le seuil de votre chambre, bien qu’il la crût déserte. Il se retirait au moment où votre mari l’a surpris. Celui-ci n’a voulu entendre à rien et lui a donné rendez-vous à Paris pour se battre. Salcède s’est battu comme un fou qui cherche îa mort, et s’il n’a pas trouvé ce qu’il cherchait, c’est que Dieu ne l’a pas voulu. Il m’a montré votre bouquet taché de son sang. Ah ! quelle passion, et que vous êtes heureuse, vous, d’être aimée ainsi par un tel homme ! Mais il croit que vous le dédaignez, et, si j’étais égoïste, je souhaiterais, moi, qu’il en fût ainsi ; j’aurais l’espérance