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l’encontre du traité ? L’étude de ces différentes questions peut préparer la décision parlementaire, en même temps qu’elle permet d’observer les progrès réalisés en Égypte depuis que la construction des chemins de fer et le creusement du canal de Suez ont augmenté dans une si forte proportion le chiffre de la population étrangère. L’Égypte, terre musulmane, tend à devenir un grand marché européen. Toutes les puissances ont intérêt à ce qu’elle offre à leurs nationaux les garanties nécessaires pour la sécurité des relations et pour la prospérité des échanges. Parmi ces garanties, la justice figure en première ligne. C’est donc par la réforme judiciaire que l’Égypte entrera plus avant dans la confiance de l’Europe, si elle est en mesure de pratiquer, comme elle en a l’ambition, le droit commun des nations civilisées.


I

La condition des Européens dans l’empire ottoman est régie par des traités spéciaux connus sous le nom de capitulations. Le plus ancien de ces traités, conclu entre François Ier et Soliman le Grand, remonte à 1535. Avant cette date, les Turcs avaient reconnu certains privilèges à la population chrétienne ou juive établie à Constantinople lors de la conquête ; ils lui avaient laissé la liberté religieuse, la faculté de trafiquer et le soin de régler ses propres litiges. Les Vénitiens et les Génois, dont les comptoirs étaient établis à Péra, profitaient presque seuls de ces immunités, que les premiers sultans avaient refusé d’étendre aux sujets des autres nations chrétiennes, et qui n’étaient d’ailleurs consacrées par aucun traité. Ce fut dans un intérêt politique, pour se défendre contre la maison d’Autriche, que Soliman accueillit les propositions d’alliance qui lui furent adressées, au grand scandale de la chrétienté, par le plus puissant ennemi de Charles-Quint. Le roi François Ier put ainsi obtenir pour ses sujets le droit de résider et de trafiquer en Orient. La capitulation de 1535 et les capitulations qui suivirent jusqu’en 1740 (car ces actes devaient être ratifiés à l’avènement de chaque sultan) réglèrent les conditions favorables de ces rapports établis régulièrement entre la Turquie et la chrétienté. A l’exemple de François Ier, les différentes nations européennes qui pouvaient avoir intérêt à entretenir des relations commerciales en Orient, l’Autriche, l’Angleterre, la Hollande, etc., ouvrirent successivement des négociations avec la Porte et conclurent des capitulations pour leur propre compte. Ces contrats, bien qu’ils aient cessé d’être renouvelés depuis 1740, sont demeurés en vigueur ; ils forment une sorte de code international en 85 articles qui contiennent les garanties