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se disputaient l’empire de la Mésopotamie, les princes de Babylone et de Ninive, payèrent tribut et rendirent hommage aux pharaons. Ramsès XII lui-même, alors que la décadence de l’Égypte était irrévocable, quand l’empire du monde va passer pour des siècles au grand empire d’Assyrie, visite encore en suzerain les rives de l’Euphrate et épouse la fille d’un chef asiatique. On serait tenté de croire que l’histoire de ce pharaon est faite tout exprès pour servir de commentaire à un conte d’enfant. Voici l’analyse de ce naïf récit :

Il y avait une fois un roi qui n’avait point de fils. Il pria les dieux, et ils l’écoutèrent : la reine accoucha et mit au monde un enfant mâle. Quand les sept Hathors arrivèrent pour saluer sa naissance, elles prédirent qu’il périrait par un crocodile, par un serpent ou par un chien. Les gens qui étaient autour de l’enfant ouïrent cela, et ils allèrent raconter ces choses au roi. Sa majesté fut très affligée. Par son ordre, l’enfant fut enfermé dans une maison des champs, pourvue d’officiers du roi et de toute sorte de bonnes choses. Quand il fut devenu grand, l’enfant monta sur la terrasse de la maison, et il vit un chien qui suivait un homme allant son chemin. Il dit à son intendant : « Qu’est-ce là ? » L’intendant répondit : « C’est un chien. » L’enfant lui dit : « Qu’on m’en donne un ! » L’intendant alla et répéta ces choses au roi. Sa majesté dit : « Amenez-lui un chien qui coure devant lui. » On obéit. Quelque temps après, l’enfant étant devenu comme un prince dans tous ses membres, il envoya dire à son père : « Pourquoi resté-je seul enfermé ? je suis prédestiné… Que les dieux fassent à leur volonté. » On le munit de toute sorte d’armes pour le préserver. « Va maintenant où tu veux, » lui dit sa majesté. Il alla, et le chien avec lui. Il alla dans les contrées où il voulut, il arriva au pays du prince de Mésopotamie.

Le prince de Mésopotamie n’avait qu’une fille unique ; il l’avait mise dans une tour dont la fenêtre était élevée de beaucoup de coudées au-dessus du sol. Des messagers allèrent dire au nom du prince à tous les fils de princes du pays de Syrie : « Qui atteindra la fenêtre où est ma fille, il l’épousera. » Quelque temps après, le fils du roi d’Égypte arriva ; il fut reçu, on le baigna, on lui donna du fourrage pour son cheval et toute sorte de bonnes choses pour lui. En conversant, on lui dit : « D’où viens-tu, bon jeune homme ? » Il répondit : « Je suis le fils d’un des chevaliers du pays d’Égypte ; ma mère est morte, et mon père a pris une autre femme, une belle-mère ; elle me hait, et je fuis de devant elle. » Il se tut ; on l’embrassa. Il dit aux jeunes princes de Mésopotamie : « Que dois-je faire ? » Ils lui parlèrent de la fille du roi et de la fenêtre de la tour. Quelque temps après il leur dit : « Or çà, moi aussi, j’y