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ses serviteurs nubiens, qui à son insu avaient accepté quelques nègres des chefs de zèribas. M. Schweinfurth avait cru qu’ils n’étaient accompagnés que de leurs familles. Il n’obtint qu’à grand’peine qu’ils fussent élargis. Peu après, la mort lui enleva son fidèle Nsévoué, le petit Akka qu’il avait emmené avec lui; il succomba à une dyssenterie dont la cause principale était son irrémédiable gloutonnerie. Le 2 novembre, notre voyageur touchait le sol européen à Messine, après trois ans et quatre mois d’absence.

La relation complète de son voyage a été publiée l’année dernière en anglais et en allemand; elle remplit deux forts volumes ornés de gravures[1]. Par la nouveauté et la précision des renseignemens scientifiques qu’elle renferme, c’est certainement une des relations les plus importantes dont l’Afrique équatoriale a été l’objet dans ces derniers temps. C’est surtout pour la botanique, la zoologie et l’ethnographie que ce nouveau voyage d’exploration a été fécond en résultats imprévus. Nous n’avons pas besoin de dire que l’incendie du 1er décembre 1870 n’avait détruit qu’une partie des notes et des collections qui formaient le butin de l’intrépide botaniste, et qu’il s’est hâté de classer et de coordonner aussitôt son arrivée en Europe.

Reparti en 1873 pour l’Afrique, le docteur Schweinfurth a entrepris un voyage dans le désert de Libye, à l’oasis d’El-Kharghé, d’où il est revenu au mois de juin dernier[2]. En décembre 1873, le Bulletin de l’Institut égyptien d’Alexandrie mentionne encore sa présence à une séance de cette société savante, où il annonce que des barques du Haut-Nil, arrivées à Khartoum au mois de novembre, ont apporté les collections et les papiers du voyageur Miani, décédé au pays des Mombouttous. De ces collections faisaient partie deux Akkas vivans. A Khartoum, des créanciers avides avaient mis sous séquestre non-seulement les bagages du défunt, mais encore les deux pygmées qui les accompagnaient. On pense bien que l’on s’empressa de les délivrer et de les amener au Caire, où ils furent examinés par le président de l’Institut égyptien, Colucci-Pacha, et par un célèbre naturaliste anglais, M. Richard Owen. Nous trouvons quelques-uns des résultats de cette étude dans un mémoire que M. le docteur Bertillon vient de communiquer à la Société d’anthropologie de Paris, qui a reçu en outre plusieurs photographies de ces êtres bizarres, adressées d’Italie à M. de Quatrefages par le professeur Panceri.

  1. Une excellente traduction française, due à la plume exercée de Mme Henriette Loreau et enrichie de gravures nouvelles, faites d’après les croquis de l’auteur, est sur le point de paraître (Paris, Hachette).
  2. Ce voyage de M. Schweinfurth à la Grande-Oasis d’Egypte est distinct de la mission de M. Rohlfs, qui a visité le désert libyque à la même époque. D’après M. Schweinfurth, il est probable que les sources profondes et très nombreuses que recèle la Grande-Oasis sont alimentées par des infiltrations souterraines venues du Nil de Nubie.