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fortune. Aussitôt après, il s’était agi de découvrir où j’avais conduit Gaston après l’avoir repris à la nourrice. On s’était attaché à mes pas, on avait su que j’étais allé installer à Flamarande les tombeaux retirés de Sévines lors de la vente. Salcède s’y était rendu, et, déguisé en paysan, il s’était facilement abouché avec son ancien guide Ambroise Yvoine, lequel, m’ayant parfaitement reconnu à la Violette, n’avait pas eu de peine à lui faire voir et embrasser Gaston, moi présent pour ainsi dire.

À partir de ce moment, Mme de Flamarande avait été informée de tout par la baronne. Et ici je placerai un des billets de Rolande à Berthe, datant de cette époque, et communiqué à Salcède, qui l’avait mis à part avec d’autres lettres de la même à la même.

« Ma Berthe chérie, mon ange gardien, et lui, mon sauveur, ma providence, mes anges de consolation, soyez bénis ! Vous l’avez retrouvé ! Il n’est pas mort, il n’est pas exilé absolument de la maison paternelle. Il est bien portant, il est beau, il est heureux, et, puisqu’il est là, il me sera rendu ; son père me rendra justice. Il n’y a pas d’explication à espérer de lui ; il verra ma conduite et ouvrira les yeux à l’évidence. D’ailleurs, quoi qu’il arrive, les droits de mon fils aîné subsistent, et un jour viendra… Mais je le verrai auparavant, mon enfant adoré, je veux le voir ! J’irai chez vous si secrètement que personne ne le saut a jamais. Je veux voir aussi celui qui me l’a retrouvé ; je veux le remercier, l’absoudre du passé à cause du présent. Il ne faut plus qu’il songe à autre chose qu’au bonheur qu’il me rend. Vite, vite, écrivez-moi que vous m’attendez, et je simule une indisposition pour m’enfermer. Je confie Roger à des gens sûrs, je prends le bateau à vapeur et je vous arrive. Répondez, répondez à votre Rolande qui vous adore. »

Vous était-il au pluriel ? On pouvait le croire. M me de Flamarande, qui était alors en Italie, n’avait fait que la moitié du chemin. Après mon départ de Flamarande, on lui avait conduit son fils à Marseille, elle l’avait embrassé avec ivresse ; mais Salcède n’était pas là, il avait craint de la revoir, sa passion étant plus vive que jamais. On avait donné pour prétexte à madame qu’il jugeait sa présence au rendez-vous trop dangereuse pour elle au cas où ce voyage serait découvert. Elle n’avait vu avec l’enfant que la baronne et Ambroise. Michelin, pour consentir à laisser voyager l’enfant, avait été mis dans la confidence jusqu’à un certain point. Il pensait que Salcède était son parent et connaissait sa mère. Il avait été si bien récompensé de son adoption et de ses soins, qu’il ne craignait plus rien et se fiait absolument à Salcède.

J’arrivai bientôt, par la lecture de ces lettres, à l’époque du fameux rendez-vous au bois de Boulogne. Salcède étant, venu à Paris