Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/415

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

2,200,000 de terres labourées, et le reste en vignobles, jardins, potagers et vergers. Avec une pareille surface à cultiver et une population presque aussi nombreuse que celle de la Belgique, mais répandue sur un territoire quadruple, la Roumanie, disposant d’un sol extrêmement fertile, a tout ce qu’il faut pour devenir un des greniers d’abondance de l’Europe. Comme d’ailleurs les intérêts des quatre cinquièmes au moins de la population sont engagés dans l’exploitation de la terre, on peut dire qu’elle est aussi de fait un pays essentiellement agricole. Cependant l’agriculture, malgré d’incontestables progrès, y est encore très arriérée, et la production bien au-dessous de ce qu’elle serait, s’il y avait plus de colons, si les paysans étaient moins ignorans, les rapports agraires plus favorables au développement de l’aisance dans les campagnes, toute l’économie rurale en un mot mieux entendue, et si le pays avait eu plus tôt les facilités de communication dont il commence à jouir. Malgré le soin qu’ont pris les propriétaires les plus éclairés de faire venir des machines et des instrumens aratoires perfectionnés, la charrue romaine, tirée par quatre bœufs, et qui néanmoins effleure à peine le sol, est presque la seule que connaissent les paysans. Jamais la terre ne reçoit d’engrais. Au lieu d’utiliser le fumier des bestiaux, on le jette à la rivière ou au fond de quelque ravin; c’est même une opinion encore assez accréditée qu’il détruit la moisson, et elle est fondée en ce sens que dans des terres aussi grasses le fumier, poussant à la paille, peut étouffer le grain. Les labours profonds, les irrigations, le drainage, sont négligés ou inconnus. A défaut de granges pour mettre les récoltes à couvert, on se borne à les amonceler dans les champs. Le paysan ne sait pas ce que c’est que le fléau à battre; les sabots des chevaux et des bestiaux en tiennent lieu. Chaque récolte est ordinairement suivie de deux années de jachère, et, comme la terre ne manque pas, on n’en cultive que les parties les plus fertiles; les autres servent tout au plus au pacage. Dans les montagnes ainsi que dans une partie de la plaine, le pâturage simple, sans étables ni parcs, domine presque exclusivement.

Le plus grand propriétaire, c’est d’abord l’état lui-même, qui possède en Roumanie d’immenses domaines provenant de la sécularisation des biens des couvens et des églises. Ces domaines présentaient au commencement du règne du prince Charles une superficie totale de 2,670,000 hectares, dont un cinquième en terres labourées, y compris 15,000 hectares de vignobles, près d’un quart en forêts, soit près du tiers de toutes les forêts du pays, et le reste en terres incultes. Or il a été très peu vendu jusqu’à présent de ces propriétés, dont on estimait alors la valeur totale à 370 millions de francs, au taux moyen de 370 francs par hectare pour les terres cultivées et de 74 pour les terres incultes, en ajoutant le prix des