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la netteté de son action. Conservateur, il l’est et il doit l’être, cela n’est point douteux, il n’avait pas même besoin de le dire ; mais il y aurait une singulière illusion à croire que, s’il n’y a pas de revanche contre le 24 mai, il serait possible d’un autre côté de reprendre la politique de cette époque dans des conditions nouvelles.

Il n’y a plus même les élémens de cette politique qui n’a vécu que par le concours nécessaire des légitimistes et des bonapartistes, qu’on ne compte pas sans doute introduire dans le giron de l’ordre présent des choses pour mieux faire respecter les lois constitutionnelles. Quelle étrange idée suppose-t-on là au ministère ? On lui propose de sacrifier la majorité qui a créé la situation actuelle, qui l’a élevé lui-même au pouvoir, qui le soutient par raison, à des alliés qui l’abandonneraient le jour où ils le verraient dans l’embarras et où ils espéreraient voir disparaître avec lui le vote du 25 février. Tout serait à recommencer. Non, pour le gouvernement il n’y a plus qu’un terrain, c’est celui qu’il a choisi ou qu’il a accepté ; c’est ce terrain de l’organisation constitutionnelle affermie, défendue contre les bonapartistes, contre les légitimistes aussi bien que contre les menées révolutionnaires. Il n’y a qu’une politique, celle qui consiste à dissiper toutes les équivoques, à faire sentir au pays une direciion impartiale et ferme, à décourager l’esprit de parti par la vigilance d’une administration qu’on peut renouveler avec tous les tempéramens possibles, et à préparer en paix la mise en pratique complète, définitive, de l’organisation constitutionnelle. Déjà l’assemblée elle-même commence à sentir que ce jour n’est plus loin, et c’est au gouvernement de ne pas se laisser prendre au dépourvu.

L’Académie française a sur les assemblées politiques l’avantage de ne pas mourir. Elle renaît d’elle-même, elle se renouvelle sans cesse par cette succession de représentans de l’esprit qui de génération en génération se transmettent l’héritage des palmes vertes. Certes, même dans cette paisible enceinte des élégances littéraires, il y a bien des combinaisons diplomatiques et parlementaires où les intérêts de l’intelligence ne jouent pas toujours le premier rôle ; mais c’est le dernier asile du goût, des justes traditions et du langage épuré. On a beau faire, une séance de l’Académie ne cesse d’avoir de l’attrait pour un public d’élite empressé aux fêtes littéraires. L’autre jour c’était M. Alexandre Dumas qui recevait l’investiture de M. d’Haussonville et qui avait à parler de M. Pierre Lebrun, auquel il succède. Hier c’était M. Caro qui faisait son entrée, et qui était reçu par M. Camille Rousset. M. Caro a recueilli l’héritage de M. Vitet, cet éminent esprit qui disparaissait, il y a deux ans, presqu’en plein combat parlementaire. M. Vitet datait de cette brillante époque de la restauration, qui a été de toute façon la jeunesse du siècle. Par son rôle souvent aciif, quoique à demi voilé, par son habileté, par ses œuvres, il a marqué sa place dans la politique, dans les