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lettres comme dans l’histoire de l’art. C’était un esprit plein de goût, d’une vive et sûre intuition, qui ne s’est jamais mieux montré comme critique, comme écrivain, que dans sa belle étude sur Eustache Lesueur. C’est cette brillante existence, mêlée à tout ce qui a eu de l’éclat dans son temps, que M. Caro avait à raconter. Homme d’une autre génération, distingué par son talent et par de remarquables travaux, bienvenu à l’Académie, il s’est acquitté de sa mission avec un sentiment élevé et chaleureux, avec un art fait pour retracer un tel portrait. M. Caro ne pouvait oublier, il a rappelé avec une émouvante éloquence un de ces jours uniques dans la vie d’un homme, où ce n’est plus seulement l’écrivain, c’est le patriote qui parle ; ce jour que nous avons tous connu, que M. Caro a connu comme nous, c’est celui où M. Vitet écrivait ici même pendant le siège de Paris ces lettres qui sortaient d’un cœur dévoré de l’ardeur d’une lutte nationale. Ce souvenir justement évoqué ne suffisait-il pas pour éveiller dans toutes les âmes une virile émotion, et pour décorer cette séance de l’Académie d’un lustre douloureux et glorieux ? ch. de mazade.




LES CONFÉRENCES DE BRUXELLES ET DE SAINT-PÉTERSBOURG.


Le 27 juillet 1874 se réunissait à Bruxelles, sur l’invitation de la Russie, une conférence où étaient représentés tous les états de l’Europe, à l’effet de discuter un projet de convention « destiné à fixer les règles qui, adoptées d’un commun accord par tous les pays civilisés, serviraient à diminuer autant que possible les calamités des conflits internationaux en précisant les droits et les devoirs des gouvernemens et des armées en temps de guerre. » Ainsi se réalisait la pensée d’un souverain qui a signalé son règne par d’importantes réformes, et dont l’esprit est ouvert à toutes les idées humaines et généreuses. Comme il était juste et naturel, la conférence décerna l’honneur de la présider à l’un des délégués russes, M. le baron Jomini, qui, après avoir pris possession du fauteuil donna lecture des instructions qu’il avait reçues de son gouvernement. Il ne pouvait se dissimuler, disait-il, que la tâche proposée aux délégués réunis à Bruxelles était difficile, compliquée et même ardue ; c’était, selon lui, un motif de plus « de l’aborder dans un esprit de bon vouloir sérieux et pratique. » Dès sa seconde séance, la conférence déféra à une commission l’examen préalable du projet russe. A peine cette commission eut-elle préludé à ses travaux, elle s’aperçut que sa tâche était effectivement très difficile et très ardue. Si vif, si sincère que fût le désir de s’entendre, de graves divergences d’opinions et d’intérêts ne tardèrent pas à se produire ; chaque article devint l’objet d’une discussion courtoise, mais