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« 1° d’avoir à leur tête une personne responsable pour ses subordonnés, 2° d’avoir un signe distinctif fixe et reconnaissable à distance, 3° de porter les armes ouvertement, et 4° de se conformer dans leurs opérations aux lois et coutumes de la guerre. » À ce compte, l’organisation des volontaires pourra souffrir quelques difficultés dans la pratique, on n’improvise pas une organisation; si le projet était adopté, il serait plus sûr pour les petits états d’employer les loisirs de la paix à préparer leur défense, et peut-être se verraient-ils contraints d’adopter le service universel, pour lequel quelques-uns d’entre eux éprouvent une instinctive antipathie. Cependant il faut rendre à la conférence cette justice, qu’elle n’a point traité légèrement leurs plaintes et leurs réclamations, qu’elle s’est étudiée à leur donner contentement. Si elle n’y a pas réussi, ce n’est pas faute de bonne volonté; les principes ont leur logique, qui tient la complaisance en échec. En statuant que les volontaires organisés aussi bien que les soldats seraient considérés comme belligérant, la conférence leur garantissait la vie, s’il leur arrivait d’être faits prisonniers ; mais du même coup elle statuait aussi que quiconque prendrait les armes sans faire partie d’un corps organisé serait traité en brigand. M. le colonel fédéral Hammer déclara que jamais son gouvernement ne consentirait à admettre une telle conséquence, qu’on avait vu souvent dans son pays des populations entières se lever en masse, et marcher à l’ennemi sans être organisées ni commandées, que des hommes qui défendent leur patrie ne sauraient être tenus pour des brigands, que, si l’ennemi triomphe de leur résistance, il sera dur pour eux et ne les traitera pas comme une population paisible, mais qu’on ne peut dire d’avance que ce ne sont pas des belligérans, qu’aucun Suisse ne pourrait ratifier une pareille décision.

On essaya de faire droit à cette protestation, et l’article 10 du projet porte que « la population d’un territoire non occupé, qui à l’approche de l’ennemi prend spontanément les armes pour combattre les troupes d’invasion sans avoir eu le temps de s’organiser conformément à l’article 9, sera considérée comme belligérante, si elle respecte les lois et coutumes de la guerre. » Reste à savoir comment on pourra reconnaître que la levée en masse a été spontanée et s’assurer que le temps a manqué pour l’organiser conformément à l’article 9 : graves questions que le vainqueur fera bien de méditer avec soin. Selon qu’il les résoudra dans un sens ou dans l’autre, les malheureux qui tomberont dans ses mains redoutables seront des soldats ou des bandits, ils auront la vie sauve ou ils seront passés par les armes, et leurs maisons livrées aux flammes. En vérité n’est-il pas permis de craindre que malgré toutes ses bonnes intentions la conférence de Bruxelles n’ait abouti qu’à rendre nécessaire l’institution d’une nouvelle science, la casuistique militaire, qui aura ses Molina et ses Suarès? Désormais les chefs d’armée devront