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FLAMARANDE.

ment M. de Salcède et s’était dévouée et sacrifiée à lui et à Mme de Flamarande sans arrière-pensée. Elle avait beaucoup souffert, et, pour surcroît de douleur, elle avait perdu son fils. Ses beaux yeux bleus avaient pleuré, on le voyait bien ; mais sa générosité l’avait soutenue. Je trouvai en elle un charme que je ne lui avais pas connu et qui ennoblissait singulièrement l’expression de sa figure.

Quand M. de Salcède eut écrit deux pages, il les remit à Mme de Montesparre, qui prit la parole et dit : — Hélène Hurst, Charles Louvier, Ambroise Yvoine, vous êtes, avec nous trois ici présens, et l’abbé Ferras, qui sera demain ici, les seuls confidens d’un secret duquel dépend l’avenir d’une mère et de ses deux enfans. Il s’agit de savoir si vous devez continuer à garder ce secret le reste de votre vie, ou si, de concert avec nous, vous devez le rompre. Veuillez nous dire séparément si, au cas où nous serions décidés à le garder, vous prendriez sans regret et sans scrupule aucun l’engagement de le garder aussi.

Hélène Hurst parla la première. — Je promets les yeux’^fermés, dit-elle, de me conformer aux intentions de ma chère maîtresse, quelles qu’elles soient.

— À vous, Charles, me dit la comtesse. — Je n’hésitai pas à promettre le secret, et j’ajoutai que je le regardais comme nécessaire, sauf à m’expliquer, si on le désirait.

— Tout à l’heure, dit M. de Salcède, qui m’examinait avec attention, vous promettez le secret, c’est bien, merci, et toi, Ambroise ?


— Moi, monsieur Alphonse, dit Ambroise, qui grattait sa tête crépue, je ne promets rien.

Nous eûmes tous un mouvement de surprise. Je croyais, pour mon compte, qu’Ambroise était soumis à M. Alphonse comme le chien à son maître.

— C’est bien, reprit le marquis avec beaucoup de tranquillité. Les raisons que je t’ai déjà données ne t’ont pas convaincu ?

— Je ne dis pas ça, répondit le paysan, mais je ne les ai pas bien comprises. Il faudra qu’on me les répète.

— Justement, tu es ici pour les entendre. Et il fit signe à Mme de Montesparre de parler.

Mais Mme de Flamarande la prévint par un petit exorde.

— Mes amis, nous dit-elle, j’aurais voulu ne prendre aucun parti sur l’avenir avant que la tombe fût refermée sur celui qui nous a tracé à tous des devoirs si difficiles à remplir ; mais le temps presse parce que la présence de Roger rendra nos explications presque impossibles. Expliquons-nous donc tout de suite, il le faut ; mais si quelqu’un de vous croyait avoir un blâme à exprimer sur la con-