Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/495

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
491
FLAMARANDE.

Vous savez la vérité, vous, sur la cause de cette querelle, dont les résultats, après avoir été si funestes à M. de Salcède, sont aujourd’hui si graves pour Mme de Flamarande. — Je ne vous la demande pas, cette vérité, je ne veux pas la savoir. Vous connaissez mon secret, à moi. Il est très simple, et je n’ai pas lieu d’en rougir. J’aif aimé M. de Salcède d’une amitié très vive ; je l’aime aujourd’hui d’une amitié plus calme, mais tout aussi dévouée. Je ne veux pas savoir non plus s’il aime toujours d’amour Mme de Flamarande, ni si l’affection qu’elle lui porte, et qu’elle lui doit, est de la passion ou de la reconnaissance. Au moment où nous sommes, je vois cette femme excellente accablée d’un chagrin mortel devant la nécessité de vivre éloignée de son fils aîné. J’ai approuvé, j’approuve qu’il ne soit pas réintégré dans sa famille ; mais ce que je ne pouvais dire qu’à vous, ce que je n’oserais pas encore lui dire à elle-même, c’est qu’il n’y a pour elle qu’un moyen de vivre avec ses deux fils, sans cesser d’être irréprochable aux yeux du monde et de Roger, ce moyen,… ne le devinez-vous pas ?

— Je n’en vois pas d’autre, répondis-je, qu’un mariage dans un ou deux ans entre M. de Salcède, père adoptif de Gaston, enfant inconnu, et Mme veuve de Flamarande, mère d’un fils unique, le comte Roger.

— Parfaitement ; grâce à cette combinaison, le monde, qui ne sait rien, n’a rien à soupçonner et rien à dire. Les deux jeunes gens peuvent se connaître et s’aimer. S’ils ne s’aiment pas, n’ayant rien à discuter en fait d’intérêts, ils se tolèrent. Leur mère les voit à toute heure et peut donner le nom de fils adoptif à Gaston. Lui seul n’est pas dupe de ce compromis, puisqu’il l’a vue et qu’il l’aime filialement ; mais je connais ce jeune homme, il approuvera qu’on la mette à l’abri du soupçon, et il sera bien assez dédommagé pour renoncer aux droits que la loi lui maintient.

Après un moment de réflexion, je répondis à Mme de Montesparre que son idée était la meilleure qui eût été émise, mais qu’il n’y avait pas de solution possible qui n’eût son côté faible, car la sienne ne remédiait pas au danger des revendications de Gaston. Il connaissait le visage de sa mère, elle avait commis l’irréparable imprudence de le voir et de l’appeler son fils : on aura beau faire entendre à ce jeune homme, ajoutai-je, qu’il est né d’une faute, il saura bien qu’il est né dans le mariage, et que par conséquent il est censé né du mariage. Je ne vois pas que l’adoption par M. de Salcède lui crée l’obligation de renoncer à l’héritage de M. de Flamarande.

— Pardonnez-moi, répondit la baronne ; j’ai consulté. Cette adoption peut avoir pour condition que Gaston, qui est majeur, renoncera à l’éventualité de tout autre avantage ou succession quelconque.