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la pratique et de l’empirisme. C’est pour cela que, dans la question du semis des truffes, au lieu de s’en tenir, comme on l’en accuse, aux procédés soi-disant directs, elle proclame hautement l’efficacité du procédé indirect inventé par les paysans : le peuplement des garrigues, galluches ou autres friches incultes et nues au moyen d’essences appropriées, et par suite la création de truffières artificielles, incomparablement plus fertiles que les truffières naturelles de la région.


III

« Si vous voulez des truffes, semez des glands. » Cet aphorisme du comte de Gasparin résume avec concision et netteté le fait auquel plus de cinquante ans d’expérience, sur deux points opposés de France, ont donné presque l’autorité d’un axiome. Quelques détails historiques vont nous fixer sur l’origine de ce procédé de culture, dont l’explication rationnelle demeure problématique, mais dont la valeur pratique ne saurait plus faire doute aux yeux des sceptiques les plus endurcis.

Deux provinces se disputent l’honneur de la découverte des truffières artificielles : ce sont le Poitou, — non le Périgord, comme on aurait pu le croire, — et l’ancien Comtat venaissin ou, pour être plus précis, le territoire de Loudun, dans la Vienne, et celui du hameau des Talons, non loin de Saint-Saturnin-lès-Apt, dans le département de Vaucluse. La date exacte des truffières du Loudunais n’est pas bien certaine : M. le docteur Gilles de La Tourrette la fixe à peu près à l’année 1808 ; mais c’est seulement en 1834. qu’un botaniste, M. Delastre, fit connaître au congrès scientifique de Poitiers le fait alors si paradoxal de la production de truffes par semis de chênes, expérience due sans doute au hasard et qui trouva facilement des imitateurs dans un pays naturellement riche en truffes et possédant de grands espaces de terres rocailleuses dites galluches, où la propagation de ce produit créait une richesse inespérée. C’est néanmoins dans l’ancien Comtat que cette culture des truffes, inaugurée presqu’en même temps que dans la Vienne, a donné ses résultats les plus remarquables. Déjà dès le milieu du XVIIIe siècle un procureur-général au parlement d’Aix, M. de Monclar, avait fait dessiner un parc dans sa terre de Bourgane, entre Apt et Saint-Saturnin, en y semant, entre autres essences, des glands de chêne qu’il avait reçus de l’île de Malte : au bout de quelques années, il récoltait des truffes en abondance ; mais plus tard, les arbres, laissés à leur croissance naturelle, formèrent des massifs serrés, et dès lors la source des truffes se trouva tarie. En