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FLAMARANDE

SIXIÈME PARTIE[1].

LXV.

Le lendemain tout le monde fut prêt de bonne heure, et Michelin voulut présenter sa famille à la comtesse avant son départ. Je l’en empêchai. Je lui dis que madame était très souffrante et très fatiguée, qu’elle allait se reposer à Montesparre et reviendrait dans peu de jours pour faire connaissance avec lui et les siens.

Ni Salcède ni Espérance ne parurent. Ambroise aida à atteler les voitures et on gagna sans encombre le bas du terrible escalier de Flamarande. Ambroise suivait avec d’autres paysans retenant les roues. Quand ils durent nous quitter, le jour était tout à fait venu, et je reconnus que le garçon qui avait aidé Ambroise à tenir les roues de la voiture de la comtesse, et auquel je n’avais pas fait attention, n’était autre qu’Espérance. Il voulait saluer sa mère une dernière fois et dire adieu à Roger. Je crus devoir l’en empêcher, et, sans trop me rendre compte de ce que je faisais, j’étendis le bras pour le repousser en disant : — Allons, assez ! nous partons.

Mais il posa sa petite main d’acier sur mon bras, et son regard fut terrible. Il me dit clairement, sans le secours de la parole :

— Arrière, valet ! Je suis le comte de Flamarande. — En ce moment, il ressemblait à M. le comte dans ses plus durs momens de hauteur, et je fus effrayé comme à la vue d’un spectre.

Il approcha de la calèche où était la comtesse avec la baronne, et avec une promptitude d’observation miraculeuse, sans être vu de

  1. Voyez la Revue du 1er et 15 février, et du 1er et 15 mars.

tome VIII. — 15 avril 1875.                                                                                46