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Le 18 avril, les bateaux-mortiers, qui devaient ouvrir le feu, jetaient l’ancre à 2,000 mètres du fort Jackson, le long du bois dont nous avons parlé, sans que l’ennemi les eût découverts ; pour les mieux cacher, leurs mâts et leurs cordages furent enveloppés de branches vertes, tandis que l’on enduisait leur coque du limon rougeâtre du Mississipi. Six d’entre eux occupèrent, contre la berge gauche, une place plus exposée, mais d’où leur tir était plus sûr. Quelques canonnières les accompagnaient. Les distances avaient été exactement calculées : dès le 18 au matin, les vingt mortiers purent concentrer leur feu sur le fort Jackson. Les effets de ce terrible bombardement ne tardèrent pas à se faire sentir ; toutefois ils n’empêchèrent pas le fort de répondre avec vigueur. Il obligea même bientôt les six bateaux-mortiers qui n’étaient pas masqués par le bois à changer de place pour éviter d’être coulés ; mais il ne put jamais découvrir exactement la position occupée par les autres. Enfin, vers cinq heures du soir, tous les édifices de bois qui couvraient une partie de la place d’armes du fort s’enflammèrent ; cet accident interrompit le service des pièces confédérées, et la garnison eut la plus grande peine à éteindre l’incendie. Au coucher du soleil, Porter, après avoir lancé 1, 500 bombes, cessa le feu. Pendant la nuit, les canonnières fédérales qui étaient de garde réussirent à écarter plusieurs brûlots lancés par l’ennemi.

A partir du 19, le tir des mortiers fut continué sans relâche jour et nuit, chacune des trois divisions dont se composait la flottille faisant ce service pendant quatre heures. N’ayant pu réussir à bien régler les fusées de ses bombes, Porter se décida à ne pas les couper ; au lieu d’éclater en l’air, ces projectiles s’enfonçaient à 5 ou 6 mètres dans la terre molle du fort, et leur explosion, peu dangereuse pour ses défenseurs, en ébranlait profondément les constructions. Le 20 au soir, Farragut donna à son capitaine de pavillon, le brave Bell, l’un des meilleurs officiers de la marine américaine, la dangereuse mission d’aller avec deux canonnières, le Pinola et l’Itasca, ouvrir une brèche dans le barrage construit par les ennemis. Pendant cette expédition, les mortiers redoublèrent leur feu pour les contraindre à se réfugier dans leurs casemates. Profitant de leur trouble, le lieutenant Caldwell aborde l’une des coques amarrées dans le fleuve, détache les chaînes qui y étaient fixées et y laisse un sac de poudre avec une fusée munie d’un appareil électrique. Les défenseurs des forts n’avaient pas tardé à apercevoir les deux canonnières, et celles-ci en se retirant furent couvertes d’une pluie d’obus. Le fil qui devait faire sauter le sac de poudre se brisa, mais une des chaînes étant détachée laissait deux passages praticables à la flotte fédérale. Toutefois, dans l’espoir de