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grandes assises annuelles, au milieu de la forêt sacrée, ils tranchaient les différends qui s’étaient élevés entre les tribus. Ils dirigeaient des écoles de science où accouraient les jeunes gens de la Gaule, et où certains d’entre eux, avides de s’instruire, restaient pendant vingt ans ; ils y apprenaient un très grand nombre de vers qui n’étaient jamais écrits. Les druides aimaient à discuter sur la nature et les dimensions du monde, sur le mouvement des étoiles, sur tout ce qui se rapportait à l’univers physique. En Irlande, les brehons étaient les arbitres respectés de tous les litiges. Parmi les traités qui portent leur nom, il s’en trouve de spéciaux pour régler les questions d’héritage et de limites, l’exécution des débiteurs récalcitrans et surtout les compositions pour crimes. Les écoles de littérature et de droit semblent avoir été très nombreuses dans l’ancienne Irlande, et le docteur O’Curry nous donne le programme d’études de l’une d’elles qui embrasse douze années. Toute la littérature, même les lois, avaient la forme du vers. Le chef des druides nous apparaît dès le début du Sehchus Mor, dans la personne de Dubhthach Mac-na-Lugair, le poète royal d’Érin, le brehon désigné par saint Patrick pour être arbitre dans une question d’homicide. Dans les Brehon Tracts, on agite aussi ces problèmes cosmologiques dont les druides aimaient à s’occuper. On le voit, les brehons ressemblent extrêmement aux druides, et s’ils ne se confondent pas avec eux, on peut dire que ces similitudes si frappantes prouvent que l’état social des Celtes d’Irlande ne différait guère de celui des Celtes de la Gaule.

Quelle autorité faut-il attribuer aux Brehon Law Tracts ? Comme le fait remarquer M. Cliffe Leslie, ces traités diffèrent beaucoup de caractères et ils proviennent de sources très diverses. Quelques-uns d’entre eux, tels que le Crith Gablach et le « Livre des droits, » sont cités comme des textes précis de loi irlandaise ; mais d’autres, comme le Corus Bescna, paraissent n’avoir point joui de la même autorité. Les commentaires sont, de l’avis unanime, l’œuvre de plusieurs générations de légistes. Le droit irlandais avait évidemment pour base la coutume, et au XVIe siècle Edmund Spenser parle des Brehon Laws comme de « règles de droit non écrit et transmis par la tradition d’âge en âge ; » mais ce droit coutumier s’était développé sous l’influence des jugemens des cours de justice d’une part, et de l’autre sous celle des idées de jurisprudence théorique des juristes et des écoles de droit. Jusqu’au XVIe siècle, ainsi que le prouve M. Cliffe Leslie, les populations irlandaises se réunissaient en assemblée générale sur une bruyère ou sur une colline comme les Landsgemeinden suisses, pour juger les différends entre particuliers ou entre communes, et les. décisions de ces diètes populaires