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dans ce mot. Il considéra toujours les colonies comme des parties intégrantes de la « grande Angleterre. » « Il est de mode aujourd’hui, écrit-il, de dire que les colonies qui ont adopté les institutions anglaises, dont les ministres se retirent devant un vote de défiance, dont les lois sont calquées sur les nôtres, sont virtuellement indépendantes et n’ont pas de droit à notre protection. Rien de plus bas que l’esprit, rien de moins sage que la politique qui inspire de telles assertions. » Il a pris pour devise : tu regere imperio populos, Romane, memento. Il faut que les colonies soient libres, mais qu’elles se souviennent toujours que cette liberté est un don de l’Angleterre. Il ne se figure pas la Nouvelle-Écosse, le cap de Bonne-Espérance ; la Jamaïque, la Nouvelle-Zélande, essayant leur « petit spasme d’indépendance. » Il applaudira toujours à ces « petits spasmes » quand il s’agira de provinces révoltées contre d’autres gouvernement que le sien. Ce qui est légitime ailleurs devient un crime quand la grandeur anglaise est en jeu. Tout ministre qui essaierait de relâcher les liens des colonies du nord de l’Amérique et de l’Angleterre est par lui taxé d’avance « d’infamie. » Nous ne saurions blâmer l’énergie de ces sentimens ; mais celui qui les professe aurait peut-être pu regarder d’un œil plus équitable les tentatives de gouvernemens établis cherchant à retenir dans l’obéissance des provinces qui leur appartenaient aussi légitimement que Gibraltar ou l’Inde appartiennent à la Grande-Bretagne.

Nous allons voir quels sentimens inspiraient lord Russell dans des questions qui n’intéressaient pas la grandeur coloniale de l’Angleterre. Lord Palmerston, qui observait attentivement les affaires d’Orient, vint demander au cabinet en 1840 des pouvoirs pour contracter une alliance avec l’Autriche, la Prusse et la Russie pour protéger la Turquie contre les empiétemens de l’Égypte appuyée par la France. « Je donnai, dit lord Russell, la main à ce plan. » Il demande cependant un délai, craignant que lord Holland et lord Clarendon, très favorables à l’alliance française, ne fussent trop enclins à résister à lord Palmerston. Il fut convenu que la question serait traitée dans une séance prochaine du cabinet. Dans l’intervalle, lord Russell vit lord Melbourne, il le pria d’agir sur lord Holland, dont la retraite pouvait provoquer une crise ministérielle. Lord Melbourne y consentit, le cabinet se prononça unanimement pour le projet de lord Palmerston, et quelques jours après le traité de la quadruple alliance fut signé. Lord Russell se mit en communication avec le duc de Wellington, et lui demanda s’il y avait quelque danger au cas où la flotte française attaquerait Malte ou Gibraltar. Le duc de Wellington répondit qu’il ne le croyait pas ; mais, plus généreux que lord Russell, il exprima le regret qu’on n’eût pas invité la France à signer au traité. Saint-Jean-d’Acre fut pris. « Je n’eus