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oppresseur dans le Slesvig, qu’il ne tenait pas les engagemens contractés en 1851. Il conseilla dans une dépêche restée fameuse (24 septembre 1862) de détacher le Slesvig du Danemark proprement dit et de reconnaître aux quatre provinces dont se composerait le royaume une autonomie complète. Il n’est pas étonnant que la diète ait regardé cette proposition anglaise comme « une base acceptable pour un arrangement. » Lord Russell prenait pour ainsi dire l’Allemagne par la main et la menait lui-même dans ces duchés qu’elle convoitait depuis longtemps.

Il eut pourtant des révoltes. Quand l’Allemagne menace les duchés de l’exécution fédérale, il se fâche : « Si l’Allemagne persiste à confondre le Slesvig avec le Holstein, d’autres puissances de l’Europe pourraient bien confondre le Holstein avec le Slesvig et lui contester le droit de se mêler des affaires de l’un comme de l’autre. Une telle prétention pourrait devenir aussi dangereuse à l’indépendance et à l’intégrité de l’Allemagne que le serait une invasion du Slesvig à l’indépendance et à l’intégrité du Danemark. » Quand le Bund va ordonner l’exécution, il se tourne vers la France, lui demande appui pour rappeler les puissances allemandes au respect des traités ; il n’obtient de ce côté aucun encouragement. Il prit sa revanche quand la France mit en avant l’idée d’un congrès européen. Il en repousse la pensée (dépêche du 25 décembre 1863) en termes secs, froids, opposant aux vagues espérances que soulevait ce mot de congrès les faits impitoyables et une humilité politique calculée. Il prêche toutes les cours contre ce congrès, laissant ainsi la France isolée dans son « idée » »

Il morigénait en même temps sans relâche les petites cours allemandes, comme pour montrer à l’empereur des Français, qui voulait faire de la grande politique, que la petite, la sienne, était la seule efficace. Sa longue, interminable correspondance fait penser aux feuilles d’automne qui tombent sur une armée en marche. Rien ne pouvait plus arrêter les événemens. Aux remontrances du secrétaire d’état anglais, on répondait par ces banalités qui servent d’habit à toutes les violences. On occupait le Slesvig pacifiquement il n’était qu’un gage : l’Allemagne remplissait une mission conservatrice. Lord Russell répondait en vain que l’agression, Il au lieu d’être un frein, deviendrait un éperon. » Un jour, il disait que « l’invasion du Slesvig mettrait en grand danger les relations de l’Angleterre et de la Prusse ; » le lendemain, il atténuait ces paroles. Il avait refusé la proposition française d’un congrès ; il se rabattit sur l’idée plus modeste d’une conférence, il en faisait déjà le programme. La France cette fois se croisa les bras.

Lorsqu’on apprit à Londres le passage de l’Eider, l’Angleterre eut un moment de honte. Quand lord Russell expliqua sa conduite