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l’éclat vitrifié propres aux praticiens sortis des ateliers de Bruges. Et cependant telles sont la vigueur, la force inventive et la puissance de main de ce peintre bizarre et changeant, qu’en dépit de ces disparates on le reconnaît à je ne sais quelle originalité qui s’impose. A Bruxelles, il a des morceaux surprenans. Notez que je ne vous parle pas de Franken, Ambroise Franken, un pur Flamand de la même époque, dont le musée de Bruxelles ne possède rien, mais qui figure à Anvers d’une façon, tout à fait extraordinaire, et qui, s’il manque à la série, y est du moins représenté par des analogues. Notez que j’omets les tableaux mal définis et catalogués maîtres inconnus : triptyques, portraits de toutes les dates, à commencer par les deux grandes figures en pied de Philippe le Beau et de Jeanne la Folle, deux œuvres rares par le prix que l’iconographie y attache, charmantes par les qualités manuelles, instructives au possible par leur à-propos. Le musée possède près de 50 numéros anonymes. Personne ne les revendique expressément. Ils rappellent tels tableaux mieux déterminés, se classent à côté, quelquefois les rattachent et les confirment ; la filiation en devient plus claire, et le cadre généalogique encore mieux rempli. Considérez en outre que la primitive école hollandaise, celle de Harlem, celle qui se confondit avec l’école flamande jusqu’au jour où la Hollande cessa de se confondre absolument avec les Flandres, ce premier effort néerlandais pour produire aussi des fruits de peinture indigène, on le voit ici, et que je le néglige. Je citerai seulement Stuerbout, avec ses deux imposans panneaux de la Justice d’Othon, puis Heemskerke et Mostaërt : Mostaërt, un réfractaire, un autochthone, ce gentilhomme de la maison de Marguerite d’Autriche qui peignit tous les personnages considérables de son temps, un peintre de genre très singulièrement teinté d’histoire et de légende, qui dans deux épisodes de la vie de saint Benoît représente un intérieur de cuisine, et nous peint, comme on le fera cent ans plus tard, la vie familière et domestique de son temps, — Heemskerke, un pur apôtre de la forme linéaire, sec, anguleux, tranchant, noirâtre, qui découpe en acier dur ses figures, vaguement imitées de Michel-Ange.

Hollandais ou Flamands, c’est à s’y tromper. A pareille date, il importe assez peu de naître en-deçà plutôt qu’au-delà de la Meuse ; ce qui importe, c’est de savoir si tel peintre a goûté ou non les eaux troublantes de l’Arno ou du Tibre. A-t-il ou n’a-t-il pas visité l’Italie ? Tout est là. Et rien n’est bizarre comme ce mélange, à hautes ou à petites doses, de culture italienne et de germanismes persistans, de langue étrangère et d’accent local indélébile qui caractérise cette école de métis italo-flamands. Les voyages ont beau faire ; quelque chose est changé, le fond subsiste. Le style est