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formes très diverses sous Louis le Débonnaire et Charles le Chauve, ce n’est pas dans les champs de mai ni au nom d’un droit régulier qu’elle s’est fait jour.

Sous Charlemagne lui-même, les désordres n’ont pas manqué ; les abus du pouvoir, les souffrances des hommes et leurs récriminations nous sont connus par les capitulaires et par les actes des conciles ; mais il est singulier que ce ne soit jamais l’assemblée qui prenne sur elle de remédier aux désordres, et qu’on ne la voie même pas dénoncer les abus. Si quelque plainte s’exhale, ce n’est jamais dans le champ de mai. Ceux qui se plaignent n’invoquent pas une assemblée ; c’est au prince seul qu’ils s’adressent. En 803 par exemple, une pétition est remise à Charlemagne ; nous en avons le texte ; la population y reproche au gouvernement qu’il exige le service militaire des ecclésiastiques. Dans cette longue lettre, il n’est pas fait la plus légère allusion à des libertés publiques ou aux droits d’une assemblée. Aussi n’est-ce pas à une assemblée que les pétitionnaires demandent le redressement de leur grief ; ils écrivent à l’empereur, et leur lettre commence ainsi : « nous tous, à genoux, nous adressons cette prière à votre majesté. » Puis l’empereur répond en son nom propre et souverainement, sans consulter aucune assemblée ; il accorde d’ailleurs ce qu’on lui demande.

Qu’est-ce donc que cette réunion d’hommes que les chroniques appellent du nom pompeux d’assemblée générale du peuple, et qui pourtant ne délibère jamais, ne discute rien, ne reçoit aucune plainte et n’en exprime aucune, n’émet enfin aucune volonté ? Que fait-elle donc, et pour quel objet cette grande multitude a-t-elle été convoquée ? L’un des objets les plus ordinaires de ces réunions et l’un de ceux que les documens constatent avec le plus de clarté, était de porter au roi ce qu’on appelait les dons annuels. Ce mot désignait une sorte d’impôt, qui apparemment n’était volontaire que de nom et qui était remis directement aux mains du prince par chaque membre de l’assemblée. Hincmar atteste formellement cette règle, et les annalistes la rappellent souvent. « En 807, dit l’un d’eux, Charles convoqua l’assemblée générale ; on lui remit les dons ; puis, sans faire autre chose, chacun retourna chez soi. » — « L’empereur, dit Eginbard, tint l’assemblée et il y reçut les dons annuels. » Ce paiement est fréquemment indiqué dans les chroniques, depuis le règne de Pépin le Bref jusques et y compris celui de Charles le Chauve. L’annaliste de Saint-Bertin énumère les assemblées et ne dit guère sur chacune d’elles qu’une chose, c’est que le roi « y reçut, suivant la coutume, les dons annuels. »

Mais la plus grande affaire en ce temps-là et le premier devoir des sujets était la guerre ; c’était donc en vue de la guerre le plus