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souvent qu’on les convoquait. Aussi Hincmar fait-il la remarque que les champs de mai avaient lieu à l’époque de l’année qui est le plus propice pour entrer en campagne. De là vient encore que le rendez-vous du champ de mai était toujours indiqué du côté où la guerre devait avoir lieu, sur la Loire, s’il s’agissait d’une expédition en Aquitaine, — sur le Rhin, s’il fallait combattre en Germanie. On peut suivre dans les chroniqueurs la série des champs de mai de Pépin le Bref ; ils sont tous des rendez-vous d’armée. Ceux de Charlemagne ont le même caractère à l’exception de trois, au sujet desquels les chroniqueurs signalent comme une singularité qu’ils ne furent pas suivis d’une expédition militaire. Qu’on ne supposeras d’ailleurs que cette assemblée fût précisément réunie pour décider de la guerre ou de la paix. Il n’y a pas d’exemple que cette question lui ait été posée ni qu’elle en ait délibéré[1]. Les chroniqueurs ne disent jamais : L’assemblée se réunit et résolut de faire la guerre ; ils disent toujours : Le roi réunit l’assemblée en tel lieu et marcha contre tel ennemi. Nul indice de vote ni de volonté générale. Il est si vrai que le champ de mai était la plupart du temps une réunion de soldats, que tous les hommes libres qui s’y rendaient devaient être en tenue de guerre. Chacun devait porter non-seulement une armure complète, mais encore les provisions de bouche pour trois mois de campagne. Il nous a été conservé une lettre de convocation au plaid général ; elle nous fera juger du véritable caractère de ces réunions. « Charles, empereur sérénissime et roi des Francs, à l’abbé Fulrad. Nous te faisons savoir que nous avons décidé que notre plaid général se tiendrait du côté de la Saxe, au lieu qu’on nomme Starasfurt. En conséquence nous t’ordonnons que tu viennes avec le nombre complet d’hommes que tu dois amener, ces hommes bien armés et bien équipés, en, sorte que, de quelque côté que nos ordres t’envoient, tu puisses y marcher en tenue de guerre. Tu devras avoir dans tes chariots une provision de haches, pieux, cognées et tous autres instrumens nécessaires à la guerre, des vivres pour trois mois, des armes et des vêtemens pour six. » Un autre abbé, Loup de Ferrières, avait probablement reçu une lettre semblable qui ne nous a pas été conservée ; nous avons du moins sa réponse : il s’excuse de ne pas se rendre au plaid, parce qu’il est malade, et il ajoute « qu’il envoie ses hommes pour remplir suivant l’usage tous les devoirs de l’expédition. » On voit assez clairement par de tels exemples ce que c’était en général que le grand plaid royal ou le champ de mai.

Les annales les plus brèves et les plus sèches tiennent pourtant

  1. Le seul exemple qui se rapproche de cela est du règne de Pépin, et se rapporte d’ailleurs à une assemblée d’optimates, de grands, ce qui est tout-à fait différent,