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général Appert, qui a présidé lui-même à cet immense travail, ce rapport a un double mérite : il prouve tout à la fois la libérale attention que mettait le gouvernement à maintenir toutes les règles protectrices et le soin scrupuleux, impartial, avec lequel ces opérations si compliquées ont été poursuivies jusqu’au bout par la justice militaire. Oui certes, ce fut le plus grand, le plus criminel des attentats, qu’aucune amnistie générale ne peut couvrir, qu’on ne peut oublier, et qu’il faut expliquer aussi par un de ces concours de circonstances qui ne se produisent pas deux fois au courant de plusieurs siècles. C’est à une politique de fermeté patriotique, d’équité supérieure, de réparer ce qu’il y a de réparable, et le meilleur souhait dont on puisse saluer, pour nos affaires intérieures, cette année qui va s’ouvrir, est tout entier dans ces mots du dernier manifeste du centre gauche : « notre programme, c’est la formation d’une majorité nouvelle fondée sur le respect de la loi, c’est la consolidation de la république que nous avons décrétée, c’est l’avènement d’un grand parti constitutionnel et national qui emporte enfin toutes nos divisions intestines dans un large courant d’opinion. »

La paix, la paix intérieure et extérieure, c’est le premier des biens, le premier des besoins dans notre pays et dans tous les pays. Elle triomphera sans doute parmi nous dans les élections qui vont s’accomplir, qui organiseront les pouvoirs réguliers et définitifs du régime constitutionnel de la France. Elle sera aussi, il faut le croire, maintenue en Europe ; elle sortira encore une fois victorieuse de toutes ces complications dont la plus grave est celle qui est née des affaires orientales. Assurément tout n’est point fini ; l’Herzégovine n’est point pacifiée, les bulletins racontent chaque jour des combats dont l’issue varie naturellement selon que la dépêche vient de Constantinople ou du camp insurgé. Les populations slaves, spectatrices de cette lutte, sont toujours agitées et inquiètes comme si leur sort allait se décider. La Turquie n’est pas sortie des inextricables embarras au milieu desquels elle s’est fait depuis longtemps une habitude de vivre. Le dernier mot de tous ces incidens qui se sont succédé dans ces derniers mois, de toutes ces négociations énigmatiques qui se sont nouées entre les grandes puissances n’est point dit encore. À la rigueur, c’est une crise intime qui continue, qui se développe lentement, mystérieusement. Après tout cependant une chose est bien certaine, cette crise ne s’aggrave pas, elle est jusqu’à, un certain point atténuée d’avance par les intentions ostensiblement pacifiques de tous les cabinets. Elle s’est tout au plus compliquée récemment d’un incident diplomatique qui, à la vérité, peut paraître assez embarrassant au premier abord, mais qui en réalité ne peut avoir une influence décisive sur le dénoûment de ces étranges affaires. C’est le comte Andrassy, on le sait, qui s’est chargé de préparer le programme de réformes que les trois empires du nord, après s’être entendus avec les autres puissances, devaient proposer au sultan.