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le fiancé
DE MLLE SAINT-MAUR

PREMIERE PARTIE

LA PRINCESSE CHARLOTTE.


I.

L’intime amitié de Séverin Maubourg et de Maurice, vicomte d’Arolles, datait de leur première jeunesse. Ils avaient fait connaissance au lycée, et ils ne s’étaient pas vus deux fois sans qu’un irrésistible penchant les entraînât l’un vers l’autre. Ce coup de sympathie fit mentir le proverbe : Qui se ressemble s’assemble. L’homme est un être incomplet qui cherche à se compléter, et il aime à mêler des contrastes à ses habitudes. Maurice d’Arolles et Séverin Maubourg se ressemblaient fort peu ; la différence de leurs situations et de leurs caractères fut pour quelque chose dans la promptitude de leur liaison. Il y a des esprits naturellement dressés qui s’apprivoisent bientôt avec la vie ; la première fois qu’elle les appelle en sifflant, ils tressaillent, ils ont reconnu leur maître. Il en est d’autres qui sont pleins d’objections et la chicanent sur tout ce qu’elle leur propose ; ils se refusent à comprendre qu’il n’est point de bonheur ici-bas où il n’entre une part d’obéissance. Séverin appartenait à la race des disciplinés ; Maurice était l’un de ces conscrits réfractaires qui protestent contre la loi du recrutement et se cachent pour ne pas servir Bonaparte. Vous entendez que Bonaparte était le métier auquel on le destinait dans sa famille, laquelle n’était pas une famille d’oisifs. De père en fils, de génération en génération, les​ TOME XIII. — 15 JANVIER 1876. 16