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iconostases des églises, les sculpteurs ont enfreint les prohibitions en vigueur depuis l’Isaurien ; des lions supportent les panneaux, des oiseaux volètent dans les feuillages et les rinceaux de bois doré qui les couronnent. Signalons encore d’élégantes marqueteries d’écaille et de nacre, ornementation que les Turcs ont empruntée aux Byzantins, sur les chaires adossées aux piliers, sur les tablettes qui remplacent aux deux côtés du chœur les ambons des premiers siècles ; des portes de bronze repoussées au marteau, des lampadaires et un lustre particulier aux églises de l’Athos ; c’est une immense couronne de cuivre ciselé, chargée de cierges, suspendue par des chaînettes à la voûte ; l’aigle double de Byzance y figure invariablement, reproduite à intervalles égaux et reliant un cordon d’arabesques qui change dans chaque couvent suivant la fantaisie de l’artiste. C’est l’ornement obligé de toutes les églises : il est d’un grand effet, et rappelle les couronnes de lumière d’Aix-la-Chapelle et d’Hildesheim.

Il faudrait le catalogue d’un musée pour inventorier toutes ces richesses ; cette étude rapide n’y saurait prétendre et doit se borner à dégager les caractères généraux de l’art athonite. — Nous avons trouvé son apogée à son origine : la communauté se fonde au grand moment de la splendeur byzantine et apporte à la décoration de ses monastères toutes les élégances de la cour des Comnène ; les peintres surtout puisent dans la ferveur des premiers jours une inspiration supérieure peut-être à celle de toutes les écoles archaïques ; mais l’esprit oriental est comme ces sources qui pétrifient les objets qu’on leur présente : il arrête et cristallise tout effort passager qui lui échappe ; le secret de sa faiblesse réelle comme de sa force apparente est dans cette invincible immobilité. Les successeurs immédiats des premiers maîtres continuent l’impulsion donnée par eux sans l’accroître ; leurs petits-neveux la maintiennent par des artifices puérils, leurs représentans actuels la laissent échapper sans retour. En entrant dans une des églises restaurées d’hier, en ne s’arrêtant qu’à la similitude scrupuleuse des formes, on peut se croire aux jours d’Andronic ou de Phocas, dont la munificence vient de faire surgir et de décorer un nouveau temple ; mais ces apparences sont à la réalité des vieilles œuvres ce que la galvanoplastie est à l’or. — Nous devons aux byzantins une leçon qui vaut bien des chefs-d’œuvre : c’est que l’art vit non pas de traditions, mais d’audaces individuelles ; c’est qu’un art qui ne marche plus est un art condamné. — Aujourd’hui le bilan des bons caloyers est bientôt fait. Les Valaques ont la spécialité de couvrir leurs murs de figures mortes, aux tons crus, irréprochables d’ailleurs quant aux attitudes prescrites ; les moines de Lavra accomplissent encore le tour de force de découper un millier de figurines dans un cadre de bois