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levées, les travaux de la campagne sont finis : pendant les durs hivers du Nord, la terre est couverte de neige, et les cultivateurs ont de longs loisirs. C’est alors que les jeunes gens qui ont du goût pour l’étude, et que les doctrines grundtvigiennes ne choquent point, peuvent se rendre à la haute école. Ils sont logés et nourris pour la modique somme d’environ 175 francs pour toute la saison : l’internat, qui, comme mode ordinaire d’éducation, est honni de tout le monde en Danemark, aussi bien qu’en Allemagne, devient ici une nécessité ; il présente aussi l’avantage de faciliter l’influence des maîtres sur les élèves en les mettant plus longtemps en rapport. C’est une chose bien digne de remarque et bien caractéristique de l’esprit danois, que l’empressement de ces grands jeunes gens, aux allures alourdies, déjà endurcis par les travaux de la terre, avenir, par pur amour de l’étude, se soumettre pendant six mois à une discipline presque monacale et à un régime de vie si différent du leur. Il ne faut pas un médiocre effort de volonté pour plier au labeur intellectuel un esprit que les travaux du corps ont en général rendu paresseux et lent. Toutefois, sous le rapport de la vie matérielle, il n’y a rien de changé : le lait, le beurre, le fromage, le pain noir, forment la base de l’alimentation pour les élèves des hautes écoles comme pour le plus simple paysan. La maison d’école elle-même a toutes les apparences d’un manoir rural ; elle ne s’en distingue que par certaines recherches de propreté et certains soins d’entretien qui la pourraient faire passer pour une ferme modèle, et qui sont d’un exemple salutaire.

L’objet de l’enseignement, ainsi qu’on l’a vu plus haut, est non pas de donner des connaissances pratiques, mais, suivant le mot admis chez les grundtvigiens, d’éveiller les esprits. Les jeunes paysans qui arrivent à la haute école ne savent pas trop ce qu’ils y viennent chercher ; ils demandent le plus souvent à compléter les études de l’école primaire, dont ils ont parfois un peu oublié les leçons. L’instruction primaire est obligatoire en Danemark depuis 1814, et l’obligation est si bien passée dans les mœurs que ceux même qui en souffrent ne songent point à s’en plaindre ; cependant elle ne saurait être bien étendue, ni bien profonde, et après cinq ou six ans il n’en reste souvent que la lecture et l’écriture. Bref, les élèves aimeraient un enseignement pratique ; mais les grundtvigiens ne l’entendent point ainsi : ils veulent les éveiller, ce que ne sauraient faire des notions de calcul ou de chimie agricole. Qu’est-ce donc que cet éveil ? Sur ce point, il vaut mieux laisser la parole à un écrivain, éveillé lui-même, et comme tel mieux en mesure de répondre. M. Antoine Niessen, auteur de nombreuses brochures destinées à répandre dans le peuple les beautés de « l’incomparable découverte, » a écrit une petite nouvelle appelée Jean qui a été à la